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 Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆

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Alastar Black
Team Tequila Sunrise
Alastar Black
DATE D'INSCRIPTION : 15/09/2017
MESSAGES : 1567

Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyLun 18 Mar 2019, 00:17

Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ 0171a0b4214b86201931ae799bd6bb3d
by Maritza Lopez (Pinterest)

Liverpool, Central Addaction Recovery Centre (ARC) - The Gateway

Clockwork - Philipp Klein

L'horloge s'est brisée. C'était la Nuit Brune. Dès lors on ne l'a plus jamais retrouvée. Avant ce soir de pleine Lune. Persévérante, elle s'est relevée. Se débattre jusque vivre de nouveau dans la tête de l'anxieux. La tempête fatale du besogneux. C'est l'histoire du Temps. Entendez-vous ? Tic Tac. Celui qui se perd et attire dans les bas-fonds, le faible et tous ses tourbillons, lui faisant admirer de force la beauté des méandres de ses failles. Ecoutez-bien. Tic Tac. Le Temps tourne, tourne, tourne et se perd. Où est-il allé ? Tic Tac. Quelque chose cloche. Rien ne va. Toute réflexion, toute logique, toute lucidité, tout contrôle de soi. Ils ne sont plus là. Cela devient compliqué. Le cœur s'accélère. Les pupilles se dilatent. Les mains deviennent moites et la Terre tourne dans le mauvais sens. L’esprit se fixe, l'âme s'égare, mais le Temps n'y peut rien. Il dit que tout va bien. Où es-tu ? Tic Tac. Je suis là. Seule l'horloge est claire dans sa tête. Le Temps se fait mystérieux. Tout le reste est flou. Et moi... ? Tic Tac. Tu es là. L'horloge brisée devient ce phare à travers la Nuit. L'envoyée divine du Temps sans qui la conscience aurait lâché Vie. Son cadran de bois est noir, ses chiffres romains sont noirs, ses aiguilles finement taillées sont noires. À travers la Nuit, il ne la voit pas. Il sait qu'elle est là. Tout parait normal à quiconque verrait la scène de l'extérieur. Mais le Silence chuchote de mauvais mots et le Temps cri à l'oreille sensible du malade. Si ça ne suffisait pas... ? Tic Tac. Tu es là ! Mais quelque chose cloche... L'horloge tourne à l'envers. La Nuit lui échappe. Tic Tac. Les heures, les jours, les semaines passent. Plus rien ne s'efface. Tic Tac. Alastar, aux yeux de sang, au teint blafard, à la vacuité d'Etre. Alastar, à la toxicité emprisonnée, à la trêve meurtrière, à son venin qu'il déversait et boit maintenant avec avidité. Il abandonne peu à peu ce qu'il lui restait encore de plus cher après sa défunte épouse ; son esprit intellect. Et bientôt, il ne saura plus faire la différence de la Naissance et la Mort. Tic Tac. Il a cette envie, non, ce besoin irrépressible que tout redevienne comme avant. L'horreur consentie. Celle au moins qu'il pouvait calculer à sa guise. Régler sa déchéance à la minute près, l'écoulée du compte à rebours des damnés du Temps. Tic Tac. Tu ne réponds plus ? Syncope de poussières astrales. Il suffirait de peu. De trouver une lame. De trouver un pieu. Mais l'ex-amant des étoiles n'a jamais eu ce courage. Ici, il en revient pourtant toujours à cette Fin. À cette possibilité qui réglerait tout. Absolument tout. Cette fin à bon goût, parait-il. Mais il ne peut pas y goûter. Alors comment pourrait-il en être si sûr ? Tic Tac. Je sais que tu m'entends. Cette nuit d'antan, il l'avait effleuré. Cette Fin présumée. Elle était belle, la Mort, et terriblement hideuse à la fois. Ce fut étrange, mais elle avait fini par l'effrayer et, la Constellation qui le harcelait, par le sauver. Tic Tac. Il y a des jours, des semaines, des mois, peut-être même des années de ça. Il ne sait pas. L'idée le répugne. Il ne sait plus rien. Il se répugne. Il ne sait plus rien. Tout lui échappe. Je suis perdu. Tic Tac. Alors oublie-moi. La rage aux poings, il finit par écouter les cris du Temps. Il l'entend enfin. Il l'entend vraiment. Il n'a plus besoin de lui, plus besoin de sa messagère, plus besoin de sa folie. La sienne est passagère pour l'éternel à venir. Maintenant ! L'horloge s'est brisée.

Restent les chuchotements malsains du Silence. Plus vicieux encore. Plus méchants. Alastar n'y pense pas un instant. Pas pour le moment. Il souffle et respire enfin. Il sait. Il sait qu'il vient de vaincre, au moins le Temps d'une césure, son premier assaillant.

✯ ✯ ✯

Orion - Philipp Klein

Comme aux doucettes lueurs des premiers jours, sa soudaine apparition illumina les paysages détruits de toujours. Abîmés par le peu de vie qu'Alastar voulait bien accorder à ces extérieurs futiles, ils souhaitèrent renaître tout à coup, se colorer partiellement de nouveau ça et là. Il voyait enfin, c'était elle qui le faisait voir tout ça. Le vent s'emmêlait dans les feuilles des Limettiers, il osait, il voulait valser. Les fleurs hivernales exhalaient un parfum délicieux, elles ne craignaient ni le vent, ni l'Avant, elles ne craignaient rien. La pluie chantait une mélodie à Melody... et c'était joli. À travers la fenêtre de sa chambre, l'anglais ne pouvait pas manquer de plonger en plein cœur de la douleur. C'était écrit. La beauté crucifiante, atrocement sublime d'un flashback sans pareil qui n'en n'était ironiquement même pas un. Elle se tenait là, plus vraie que jamais. Elle était vêtue de la même robe émeraude que celle qu'elle portait la dernière fois où il l'eut vue. Et, Seigneur, si tu existes, sais-tu au moins à quel point tu as de la chance de l'avoir auprès de toi ? Sous la pluie, elle portait la sérénité mêlée à la joie en un seul et même sourire. Il se sentit intensément démuni face à tant de Vie. Il attendit patiemment, un voile de souffrance joyeuse recouvrant ses lèvres. Un signe qui ne tarda pas à venir et qui le fit perdre toute conscience de l'instant présent, de la réalité. Alastar, réveille-toi ! Elle n'est pas là... Elle n'est plus là.... depuis si longtemps ! Tu délires, c'est le manque qui se moque de toi, c'est la cocaïne qui manque de couler dans tes veines ! Putain, réveille toi, tu perds complètement la tête ! Mais il n'entendait pas. Non, il refusait de s'entendre. Elle lui avait offert ce clin d’œil rieur, cet appel aux joies et aux pleurs. Il courrait comme il n'avait jamais couru auparavant à travers les couloirs infinis du Blanc impur des locaux du purgatoire. Des cris, des affolements; Alastar ne voyait et n'entendait personne. Il n'y avait qu'elle dans sa tête. Il n'y avait toujours eu qu'elle. Le sourire béat aux lèvres, il pensait qu'elle l'attendrait en bas, sur le trottoir où il l'eut entraperçue plusieurs fois depuis sa chambre, au loin derrière la cour de la clinique. Mais lorsqu'il eut descendu tous les étages et qu'il accourut pour pousser les deux immenses portes d'entrée... Elle avait disparue. À l'autre bout de la cour, par delà les barrières, sur le trottoir qui faisait face à sa chambre : il n'y avait plus personne. Parmi ces fleurs courageuses de couleurs, sous cette veloutée d'océan chantonnant des ballades d'amoureux, face au vent gracieux et à la petite forêt gelée : elle manquait au tableau. L'oeuvre dramatique perdit drastiquement de toute sa singularité. Les pupilles de l’antihéros se dilatèrent davantage, si seulement ce n'était possible encore, et, bientôt, il ne verrait plus les paysages abîmes qu'en Noir et Blanc, qu'en absolu Néant. La tristesse ne parvint pas à étouffer ses pleurs, ce fut la rage soporifique, celle du berné, celle du trahi, par nul autre que lui même. Ses hallucinations d'ahuri.

Monsieur Black, regardez-moi, respirez doucement... Vous ne pouvez pas vous en aller comme ça, il n'y a personne là-bas, vous voyez bien...
Calmez-le, allez chercher un sédatif !
J'ai du mal à le tenir, faites vite !

Les voix s'étouffèrent, ses oreilles sifflèrent, sa vue se brouilla, et la suite, oh, la suite... il l'ignorera. Mais dans ses songes, dans les profondeurs de l'Ailleurs. Elle reviendra. Sur ce même trottoir. Dans cette même robe. L'accueillant de ce même sourire d'ange. Elle reviendra, car, sans elle, il ne verrait plus jamais rien de la beauté du monde.

✯ ✯ ✯

Alastar perdait la mémoire. C'était sa conscience qui lui jouait des tours. Ce putain de manque qui le rendait malade à en crever. Mais mourir, il n'en n'avait ni la possibilité, ni la volonté notoire. Cette diminution abjecte, ce délabrement insoutenable du cerveau, du corps, de tout son être et bien plus encore. Cette sensation de na pas faire assez, pas comme il le souhaiterait, de ne plus effrayer que grâce à sa folie et non plus ses mots, de ne pas être capable de penser sans avoir l'horripilante et dégueulasse envie de se tirer une balle pour en finir à la moindre idée malsaine. Un être faible, pathétique, s'il se croisait ailleurs que dans ce miroir qu'il prenait soin à ignorer; Lucifer seul savait de quoi il serait capable pour humilier à en finir sous le pont, ce lui-même misérable. Il ne s'était jamais tant haït qu'en ce jour. Cet instant d'autant plus dégradant où il réalisait sa mauvaise fortune. Et la mémoire. Son affreuse mémoire, revenait en bribes incohérentes. Des passages où le visage furieux de lumière de Desnuits lui rappelait l'intensité de ce passé moins lointain qu'il se l'imaginait. À Los Angeles, dans cette ville de paillettes et de fourvoiements ridicules. Elle avait perdu son temps. Aussi précieux était-il. Lui, s'était amusé grandement et sans aucune décence de son ignorance incroyable. Elle s'en était rendue compte... et la suite, eh bien, il n'était pas bien compliqué de se l'imaginer. Alors, soit, il avait perdu, mais, au moins, il se disait qu'il s'était enfin débarrassé d'elle. Elle avait manifestement abandonné. Elle avait très certainement compris qu'il était une cause perdue, de celles inutiles de soutenir tant s'en deviendrait ridicule à force d'acharnement. Il l'imaginait déjà en France, avec sa famille de froggies, toute rayonnante, elle l'avait toujours été. Dans son ancien cabinet, avec ses patients, elle devait avoir retrouvé si vite la sérénité joyeuse qui semblait l'avoir quitté ces derniers mois à ses côtés. La faute à qui ? Il pensait à elle et l'idée lui parut totalement absurde d'un coup. Il ne la reverrait plus jamais et elle ne lui avait jamais servi méchamment que comme d'un exutoire injuste. Probablement que la folie douce de la française avait fini par déteindre d'une façon ou d'une autre sur lui. Quoiqu'il pouvait en être, il se refusa d'y accorder davantage d'intérêt. Ironiquement, forcément, ce fut quelque chose d'encore plus absurde qui lui vint à l'esprit. Edgar. Qu'était-il advenue de la petite boule de poils qu'il avec recueillie aux Etats-Unis ? Est-ce que quelqu'un l'avait récupéré ? Cassiopée, peut-être ? Sans doute, elle l'aimait bien. Sa présence lui manquait. Celle du chaton, bien entendu. C'était absurde, ça encore, ridicule, jusqu'à un point risible. Mais s'il n'avait jamais entièrement assumé que la présence du jeune félin lui avait fait du bien à un moment donné, aussi minime était-il, il n'avait plus rien à prouver aujourd'hui. Ce greffier était l'un des seuls être vivant à ne pas le juger... c'était dommage de le perdre. Alastar perdait la mémoire, mais ce n'était vraiment que ce qu'il voulait vous faire croire.

Vêtu d'une chemise de soie bleu ciel boutonnée jusqu'au cou et d'un pantalon habillé noir, il voulait se donner cette prestance d'aristocrate dédaigneux qu'il avait auparavant. Mais sa vue ne trompait personne, ses cernes creusées, son regard vide de toute Vie, son teint terne et ses cicatrices aux lèvres, à l'arcade, celles de ses anciennes piqûres, les griffures de ses démangeaisons, de ses crises par millier, sa voix brisée et cassée à tous les octaves. Non, il ne trompait personne, si ce n'était lui même. C'était suffisant. C'était l'essentiel.

Il se "promenait" dans le parc en compagnie du même abruti d'aide soignant qui le prenait pour un parfait demeuré, ou un enfant, voire les deux. Comme d'habitude, il n'écoutait pas un mot, l'ignorait superbement et se concentrait sur ce Silence qu'il osait imaginer exister quelque part, Loin. Si au début sa méthode de non-réponse ne fonctionnait pas le moins du monde, l'imbécile heureux avait fini par se taire, comme tous les autres avant lui. La persévérance, peu en avait... Cassiopée en avait. Il fronçait les sourcils, tout de suite agacé de penser de nouveau à la française, quand à ce même moment, le téléphone de l'autre (dont il n'avait jamais retenu le nom, ou faisait exprès d'omettre) sonna. « Ne vous en faites pas, Alastar. Je reviens tout de suite ! Ne bougez pas ! » Le scientifique déchu roula des yeux et grommela, alors que le jeune homme était déjà parti en courant en direction de l'accueil de la clinique : « Quel soulagement... » Ceci dit, il avait beau râler, il ne s'en retrouverait pas moins libéré l'espace d'un maigre instant. Seul dans ce parc, réellement seul, cette fois-ci. Il marcha un petit moment autour du lac ridiculement petit, les mains dans les poches, l'esprit nulle part. Il ne pensait à rien, et ça faisait du bien. Il respirait, un peu, c'était tout ce qu'il comptait. « Monsieur Black ! Je pensais pourtant vous avoir dit de ne pas vous éloigner.... Enfin, bon. Ce n'était pas prévu, mais vous avez de la visite aujourd'hui. » l'anglais ne prit pas la peine de se retourner et se contenta de s'asseoir sur le banc qui faisait face au lac sans couleur particulière à ses yeux. « Si vous parlez de vous, il va sérieusement falloir qu'on discute de votre humour... » ironisa-t-il, parfaitement serein, alors qu'en réalité, le garçon l'agaçait sérieusement de plus en plus. Oh, il lui avait toujours plus ou moins tapé sur le système, comme tous les autres. Mais là, c'était cruel, il venait de lui accorder un moment de tranquillité pour le lui voler immédiatement après. Il n'eut pour réponse qu'un soupir et entendit ses pas s'éloigner écrasant les graviers. Pris de court, il ne comprit pas immédiatement ce qu'il se passait. Il s'en allait encore ? C'est alors qu'il entendit d'autres pas, une autre respiration, c'est alors qu'il sentit un parfum, une autre présence... Impossible. Et pourtant ça l'était tant. Réel. Il ne bougea pas d'un millimètre, n'agit nullement différemment, ne chercha pas à capter son regard, à l'observer de quelconque façon que ce soit. Cette gamine avait un sérieux problème. « À quoi jouez-vous ? » souffla-t-il. Pas de formule de politesse. Il avait dépassé ce stade avec elle.... Il n'avait jamais passé ce stade avec elle, en fait. Quand cesserait-elle donc de le surprendre ? Il était supposé tout prévoir, avoir toutes les cartes en main, savoir où aller, savoir comment jouer. Et elle, encore, toujours, elle venait pour tricher, détruire tout son jeu et remettre en question les règles les plus fondamentales... fondamentalement inviolables et intouchables. Il ne comprenait pas. Que faisait-elle là ? Ils l'avaient emmené dans cette clinique à Liverpool, loin, en Angleterre. Ils pensaient certainement que le faire revenir sur ses terres natales lui serait d'un grand soutien. Mais ils ne savaient pas. Qui pouvait prétendre à savoir si même le concerné perdait pied ? Alastar jouait l'étonné, mais la réalité, la vérité, c'était qu'il s'était parfaitement voilé la face en s'imaginant souffrir seul à l’étroit dans sa cellule. Une fois dehors, il retrouverait sa prison et sa gardienne.

Échec et mat. Le Temps gagne toujours.
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Cassiopée Desnuits
Team Grenadine
Cassiopée Desnuits
DATE D'INSCRIPTION : 18/05/2018
MESSAGES : 820

Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyDim 24 Mar 2019, 22:08

Il était une fois, une famille qui vivait  misérablement dans une cabane au fond des bois. Elle travaillait dur chaque jour pour se nourrir et leur santé s'amenuisait, usée par les corvées et les besognes.
Un jour, alors qu'ils coupaient du bois, une enchanteresse, tout à coup, apparut. De sa baguette magique, elle transforma leurs oripeaux en habits de lumière. Émerveillés, les parents pleurèrent de joie, tandis que le frère et la sœur dansaient pieds nus sur l'herbe tendre. Et puis...ô surprise, trois lutins farceurs jaillirent brusquement d'un buisson ! Les bras chargés de paniers de gaieté, ils saupoudrèrent les cheveux de leurs nouveaux amis. Le père, la mère, la fille et le garçon se baignèrent alors dans une hilarité sans fin. Ils riaient, réjouis du soleil, enivrés du vent, bercés par les chants des oiseaux, comblés de vivre, tout simplement.
Soudain, un roulement de tambour se fit entendre en haut d'un chêne. Ils levèrent les yeux et  aperçurent deux grands sorciers blancs tournoyant lentement vers eux. Une fois posés sur la terre ferme, ils donnèrent à chacun une potion magique. La Beauté intérieure et extérieure s'insinuèrent ainsi dans chacune de leurs cellules. Métamorphosés en êtres merveilleux, ils devinrent immortels.
Mais le récit ne s'arrêtait point là...

Une cavalcade surgit au loin. Une Princesse et un Prince Charmants chevauchaient deux licornes immaculées. Leurs sabots résonnaient sur le chemin. Leur course s'arrêta et ils descendirent de leurs montures.La Princesse se maria avec le jeune homme, le Prince Charmant se maria avec la jeune femme. Ils furent heureux, pour l'éternité.

Le Livre de Vie posée sur les genoux, elle rêvait à y écrire une si belle et si douce histoire, dont la fin transporterait les héros dans un Paradis, là où les mots ténébreux des malheurs n'existeraient dans aucun langage. Les couleurs noires ne seraient que les ombres légères et rafraîchissantes des arbres caressés par le zénith.
Mais les manuscrits gravés par la réalité étaient bien différents : lourds à tourner, chargés d'encres sombres et sanglantes. Les nombres des pages révélaient celles des larmes, les chapitres découvraient les rides du temps qui passaient et trépassaient, inexorables, flétrissant et abîmant les mortels sans évasion possible. L'épilogue s'achevait toujours dans la poussière.

Il était de ces leçons de vie acquises sans enseignement, bien loin des légendes. Elles s'apprenaient dans la chair et la douleur et non dans des songes d'idéaux chimériques.

On ne pouvait sauver quelqu'un qui était déjà mort. Et Alastar Black était déjà mort.

L'évidence lui pétait à la gueule.

L'accès de colère s'en fut, tari par la brûlure d'un sentiment d'humiliation. Elle n'en dormit pas, envahie par de terribles contradictions. A 4h07, elle maudissait l'anglais, déprimée, dégoûtée, révoltée. A 4h13, elle se fustigeait, s'injuriant de noms d'oiseaux, se méprisant de tant de naïveté. A 4h22, les larmes embrumaient sa vue, dédouanant son comportement  par le malheur dont il avait été frappé.
Elle se tournait et se retournait, agitée dans le grand lit, emportée par les tours de ce manège infernal, exsangue et abattue.

Elle avait échoué. Tout lui échappait.

Elle finit par allumer la lampe et prit son ordinateur. Les lettres s'enflammaient, le désenchantement faisait valser ses doigts sur le clavier. Les termes professionnels s'écrivaient avec aisance, épanchant le trop plein d'échec, de frustration, de déception. Le rapport, incendiaire et tragique, comportait tous les ingrédients du naufrage de son espérance. L'astrophysicien devenait un fou dangereux, atteint de démence et de bouffées délirantes aigües, bipolaire, paranoïaque...Il résumait à lui seul la plupart des pathologies mentales existantes. Pauvre Cassiopée. Elle tentait si maladroitement d'expulser une débâcle dont les rouages s'étaient emballés, indomptables.

                                                                           
***

-12 Février 2019, 14h30-

-Bonjour, Monsieur.

Piètre amertume exprimée minablement : ne pas l'honorer du titre ronflant de Docteur qui d'emblée, affirmait une supériorité de statut.

-Bonjour Mademoiselle Desnuits.

Connard.

-Merci de me recevoir aussi rapidement. Vous vous doutez que si je sollicite un entretien, c'est que je suis très préoccupée par le patient Alastar Black. Je constate un état alarmant et dégradé de sa santé. Il présente, à mon avis, tous les symptômes d'une situation d'urgence. Je tenais à vous faire part de mes inquiétudes et soumettre mon rapport à votre diagnostic médical. Je vous informe également qu'il est dans une addiction très sévère à la cocaïne. Il est en phase 2, bien mûre d'ailleurs...

Elle la jouait fine la française, maintenant sa place et son rôle, sachant par expérience louvoyer parmi les susceptibilités de fonctions. Et plus ces fonctions étaient élevées, plus l'exigence de composer avec leur pouvoir était déterminante. Il fallait bien batailler parfois avec subtilité pour certaines prises en charge délicates. Mickaëlson avait décidé de passer sous silence la dépendance de l'anglais ? Soit. Affaiblie par son ignorance, elle avait agi comme elle avait pu, plongeant avec passion de tout son cœur et son âme dans tout ça. Personne ne pourrait lui reprocher l'intention bienveillante qu'elle y avait mise. Certes, elle adorait son métier mais constatait à ses dépends les limites à ne pas franchir. Accorder sa confiance en aveugle était une gageure et en authentique débile heureuse, elle y avait cru ! Comme elle y avait cru ! Sauver cet homme ? Mais bien sûr ! Ça ne pouvait pas se passer autrement ! Cassiopée Desnuits, l'ange gardien des âmes souffrantes ! La Sauveuse des laisser pour compte ! La saint Bernard des causes perdues ! Quelle abrutie de niaise de merde, oui !

Et cette putain d'information aurait changé la donne. Aurait-elle accepté ce poste dans de telles conditions ? Elle n'avait pas la réponse mais aurait sans aucun doute, considéré les choses sous un autre angle et ne se serait pas engagée avec la même spontanéité. Ça, c'était une certitude. De surcroît, sans points d'appuis véritablement adaptés, comment ne pas œuvrer dans le vide vers un fiasco programmé ?! Elle s'était perdue dans la quadrature d'un cercle fatal ! Et puis quoi ?! Au final, l'important était ce qu'elle allait en faire, pour elle-même. Une expérience de plus... Lucide, elle savait que la manière dont elle vivait cette mission, tout le monde s'en battait le coquillard, royalement, le doc en premier. Oui ! Elle était révoltée par l'arbitrage imposé du médecin ! Oui ! Elle se confrontait à un résultat biaisé ! Oui ! Elle éprouvait la morsure d'un mensonge par omission ! Oui ! Elle se sentait trahie, abusée !Et alors ?! Le monde n'allait pas s'arrêter de tourner !

Elle lui tendit le document :

-J'émets un  avis circonstancié sur la possible hospitalisation de Mr Black. Compte tenu de son histoire familiale et des contacts faciles dont il bénéficie ici pour se procurer de la cocaïne, je propose qu'il soit soigné en Angleterre. L'éloignement de ses habitudes et de ses repères actuels peut lui être bénéfique, tout comme un retour à ses origines.

Un avis...Elle jouait sur les mots, sachant pertinemment que c'était lui et le staff qui détenaient l'ultime décision.
Elle avait modifié le contenu du compte rendu tapé dans la vengeance, ajustant avec loyauté, quoique implacablement, les faits vécus avec l'astrophysicien, rédigeant la stricte et terrible vérité : Alastar était en péril, suicidaire, son état mental nécessitait une prise en charge impérative.

L'entretien entre le psychiatre et l'ancienne psychologue dura plus d'une heure. Elle témoigna du reste, de tout ce reste, scellé dans le secret professionnel qu'il ne fallait surtout pas écrire, mais qui peut-être, ferait la différence.

-Je suis parvenue aux limites de mes compétences. Les termes de mon contrat s'arrêtent dès l'instant où je ne suis plus d'aucune utilité ni efficacité pour le patient.

L'avait-elle jamais été ?

La suite ne lui appartenait plus.

-Écoutez, je ne peux pas préjuger seul du dossier. Vous savez comment ça fonctionne. Mais nous tiendrons compte de votre analyse. Je vais convoquer Monsieur Black et nous aviserons.

Et hop, on sortait le parapluie. Il était plus que temps: l'anglais ne tarderait plus à sombrer dans l'addiction suprême, la pire, la sordide. Celle où la poudre devenait le maître absolu. A ce stade, le toxicomane ne pensait plus qu'à la cocaïne, il respirait cocaïne, travaillait cocaïne, se nourrissait cocaïne, rêvait cocaïne...

Qu'aurait-elle pu faire d'autre que ce qu'elle n'avait déjà fait ? L'abandonner ?
Qu'aurait-elle pu faire de plus que ce qu'elle n'avait déjà fait ?  Le laisser mourir ?
Elle en avait été incapable.

***

Il accepta une hospitalisation en Angleterre.

-Il était particulièrement motivé à être débarrassé de vous, précisa Mickaëlson au téléphone.

Ben voyons...Elle n'avait même pas pensé à cet argument ingrat et cruel mais si efficace. Elle aurait au moins servi à ça.

-Alastar...murmura-t-elle, au moment où il franchissait la porte, une valise à la main. Mais logiquement, il n'eut aucun regard, ne prononça aucun mot. L'indifférence et le dédain érigés en dictature lui imposèrent un silence assassin. Elle eut tant aimé lui dire au-revoir. « Pas comme ça, s'il vous plaît, pas comme ça... » C'est trop tard Cassiopée. Elle écouta le taxi  qui s'éloignait, emportant le sujet brisé d'une aspiration bien trop optimiste.

C'était fini.

Elle demeura un long moment immobile, les bras ballants, envahie par une immense sensation de vide et de culpabilité.

Coupable d'espoir.
Coupable de persévérance.
Coupable d'être ce qu'elle était.
Coupable de son départ.

L'Espoir était-il un crime ? Une denrée si rare qu'elle en devenait suspecte ?

Vivre avec cet Autre qu'elle avait accompagné à bout de bras, H24, durant tous ces mois n'avait rien changé, rien apporté, rien amélioré. Il ne restait que des miettes : une maison trop grande et sans âme qu'elle allait quitter, Edgar, qu'elle n'abandonnera pas.

Tout cet investissement pour une récolte de misère.

Les nuits blanches qui suivirent éclairèrent sa conscience meurtrie. Égarée, il lui manquait. Elle n'était qu'une erreur de casting.
-Maman, aide moi...
Qui, hormis l'amour d'une mère, aurait pu comprendre ?
Bénédicte et Alastar s'enchevêtraient entre les battements de son cœur, l'un et l'autre oscillant entre d'impossibles rêves et une impitoyable réalité.

***

Elle l'aperçut au loin, et plus elle avançait, plus sa tristesse devint prégnante. Quel gâchis.
Elle ne répondit pas à son sarcasme qui la fit sourire à l'intérieur, et s'assit à ses côtés. Même au creux du pire de la bataille, il trouvait malgré tout,  l'inspiration des mots acerbes.
Suspendue à l'essentiel de l'instant, son regard erra au loin.

-Bonjour.

Elle n'était pas comme lui. Le contraste, résumé en un salut tout simple, n'en fut que plus assourdissant. Elle se tut, se tourna un peu, l'observant en silence. Il était vêtu, comme d'habitude, avec ce chic typiquement british. Les manches longues de sa chemise, impeccable, camouflaient les stigmates de son martyr. Comme il devait souffrir ! Il avait beaucoup maigri et malgré ses efforts, l'emballage classieux dissimulait piètrement sa déchéance physique. Un gosse qui voulait cacher une grosse bêtise. Elle nota son teint gris, les cernes noirs, la peau flétrie et malade de drogue. Cela lui fit mal. Quelle gabegie.

La voix douce s'éleva :

-Je ne suis pas venue pour vous, mais pour moi. Je suis ici parce que j'avais besoin de vous dire en face un certain nombre de choses. Comprenez-bien cela : je suis là pour moi, pas pour vous.

Bien sûr qu'elle était là aussi, un peu pour lui. Mais il n'avait pas besoin de le savoir. Il s'en foutait tellement.

-J'ai fait ce que j'ai pu pour vous, tout ce que j'ai pu. Trop ou pas assez et si bêtement, avec ignorance. Mais personne ne pourra me reprocher de ne pas y avoir mis ce que je suis, sincèrement. J'ai mes limites, mes défauts, ma manie du rangement, n'est-ce pas, et toutes les emmerdes que je vous ai fait subir et supporter pendant presque une année. J'ai essayé, j'y ai cru...

Elle soupira, soupesant quelques souvenirs puis reprit :

-J'admire votre intelligence, vous savez. J'ai vu votre lumière, je la voyais sans cesse. Cet amour que vous portez à votre épouse, proportionnel à votre douleur, j'ai fini par comprendre, enfin, je crois. Je comprends que vous n'ayez pas envie que votre enfer s'arrête. Vous auriez l'impression de mourir une deuxième fois. Abandonner votre chagrin serait une double peine. Surtout, ne pas oublier, ne jamais oublier, donc souffrir sans cesse...Enfin, je dis ça mais je ne sais pas. Je ne peux pas savoir ce que vous avez traversé. Je n'ai pas connu cette mort-là... Cet amour me fascine car...euh...Comment dire ?

Elle se sourit, bercée par ce rêve qu'elle n'avait jamais partagé avec quiconque. Aucune importance. Ça ne regardait personne et il en profiterait pour se moquer méchamment.

-Bref, je me suis attachée à vous, petit à petit, bien plus que nécessaire. Je souhaitais tant vous sortir de là. J'ai fini par m'y perdre mais je ne regrette rien. Et vous, vous avez continué d'utiliser votre amour pour servir votre mort. En vous détruisant , vous ne voyiez pas que vous abîmiez aussi celui de Mélody. Au lieu de rester purs et salvateurs, ces amours sont devenus souillés et destructeurs. C'est votre choix. Quel qu'il soit, il mérite le respect. Je vous demande pardon d'avoir essayé de passer outre. Je dois vous dire autre chose...

Elle raconta les qualités qu'elle avait décelées en lui, comment elle avait détecté le Bon qui sommeillait quelque part, la générosité qu'il avait muselée...
Elle ne dit pas tout bien sûr, ne se dévoilant que par petites touches, juste ce qu'il fallait pour révéler la lumière qui, selon elle, rayonnait encore en lui.

Soudain, elle s'exclama :

-Oh ! Vous avez vu ? Il y a des poissons !

Et sans crier gare, elle se leva et trottina jusqu'aux berges du petit lac. L'onde ondoyante révéla quelques carpes, rien de bien folichon mais elle s'en égaya. Et dans un élan, saisit une poignée de cailloux et s'amusa à faire des ricochets.
Elle finit par revenir s'assoir, s'installant de côté, un coude posé sur le dosseret, sa tête reposant nonchalamment sur sa main.

-Vous me portez chance, j'ai battu mon record! Pouffa t-elle. Puis le scruta de nouveau, murmurant sans pudeur :

-Sans cette carapace monstrueuse et cette armure de cocaïne, vous êtes bel homme en fait. Vous avez de très beaux yeux, vous savez... Je tenais également à vous remercier pour tout ce que j'ai appris, grâce à vous. Je n'oublierai pas. Vous êtes mon patient Alpha, Mr Black, le premier et le dernier cas d'une expérience très intéressante. En fait...Vous savez...Je crois qu'on se ressemble sur certains points. On est plutôt entier dans notre genre, on n'accepte pas la demi mesure, on va jusqu'au bout de ce qu'on estime juste et bon pour nous, même si on se trompe. C'est chouette, non, d'être en accord avec soi même ? J'ai mis du temps à comprendre et encore plus à accepter ce que vous aviez décidé de faire, contre vous.

Les couleurs du ciel s'étaient modifiées, annonçant les prémices du crépuscule. Elle finit pas se taire, épuisée, apaisée.

-Je vous parle à cœur ouvert  parce que nous ne nous reverrons jamais. C'est mon testament de vie, si on peut dire... Je ne cherche rien, je n'ai aucune intention, cela me fait du bien de vous avoir parlé, c'est tout.

Elle soupira, haussant les épaules :

-Voilà. Pour finir, vous me scotchez Alastar, comme une mouche sur la merde que je suis, n'est-il pas, car vous réalisez le tour de force que je me sente ridicule avec vous, sans arrêt, comme maintenant. Ce doit être un truc spécial de grenouille, ça, mmh?!

Et d'une grimace d'humour, elle lâcha :

-Je vous entends penser Alastar ! Oui, oui, je vais vous foutre la paix définitivement, attendez, deux minutes papillon, comme l'on dit chez moi.

Elle rit de bon cœur, n'attendant aucune réaction et farfouilla dans son sac. Avec vivacité, craignant qu'il ne jette tout à terre, elle déposa une enveloppe et un gros baluchon de chocolats sur ses genoux.

-Ça, ce sont des photos d'Edgar. Il va très bien, je l'ai pris avec moi, je n'allais pas laisser cette petite bête... Quand vous sortirez, si vous souhaitez le récupérer, faites le moi savoir, j'enverrai quelqu'un vous l'amener. Rassurez-vous, vous ne verrez plus ma sale tronche, ajouta-t-elle, rieuse. Et eux, ils proviennent d'un grand chocolatier parisien.

Brusquement, elle se leva et se plaça face à lui, cherchant à accrocher ses prunelles éteintes:

-Adieu Mr Black. Puissiez-vous vous guérir et retrouver le chemin de votre amour.

Non, elle ne partait pas la tête haute et fière du travail accompli.
Elle s'en allait, en se sauvant.

L'esprit et l'eau

Après le long silence fumant,
Après le grand silence civil de maints jours tout fumant de rumeurs et de fumées,
Haleine de la terre en culture et ramage des grandes villes dorées,
Soudain l’Esprit de nouveau, soudain le souffle de nouveau,
Soudain le coup sourd au cœur, soudain le mot donné, soudain le souffle de l’Esprit, le rapt sec, soudain la possession de l’Esprit !
Comme quand dans le ciel plein de nuit avant que ne claque le premier feu de foudre,
Soudain le vent de Zeus, dans un tourbillon plein de pailles et de poussières avec la lessive de tout le village !

Mon Dieu, qui au commencement avez séparé les eaux supérieures des eaux inférieures,
Et qui de nouveau avez séparé de ces eaux humides que je dis,
L’aride, comme un enfant divisé de l’abondant corps maternel,
La terre bien chauffante, tendre-feuillante et nourrie du lait de la pluie,
Et qui dans le temps de la douleur comme au jour de la création saisissez dans votre main toute-puissante
L’argile humaine et l’esprit de tous côtés vous gicle entre les doigts,
De nouveau après les longues routes terrestres,
Voici l’Ode, voici que cette grande Ode nouvelle vous est présente,
Non point comme une chose qui commence, mais peu à peu comme la mer qui était là,
La mer de toutes les paroles humaines avec la surface en divers endroits
Reconnue par un souffle sous le brouillard et par l’œil de la matrone Lune !

Paul Claudel

***
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyLun 01 Avr 2019, 01:11

« Vous la voyez toujours, votre femme, n'est-ce pas ? » Qu'est-ce que ça pouvait bien lui foutre, à ce crétin là ? S'il répondait que oui, allait-il lui refiler une dose supplémentaire de médocs ? S'il s'était agit de coc, Alastar aurait tout fait pour aller dans son sens... mais ce n'étaient que des somnifères qui lui faisaient perdre toute notion du Temps, toute envie de comprendre la Vie qu'il supportait sans plus rien pour contenir la perte de Melody. La Prison dans laquelle il avait été enfermé l'étouffait de jour en jour. Il ne savait pas combien de temps il tiendrait encore. Ça le tuait de l'admettre, mais, parfois, il en voulait terriblement à la française de l'avoir abandonné ici sans un regard. Elle avait bien fait, bien sûr qu'elle avait bien fait et sans doute aurait-elle du prendre cette décision bien avant de se laisser tomber quelque peu avec lui. Mais l'on ne revenait pas en arrière, ce serait beaucoup trop simple.

Il existait plusieurs manières de traduire et de dire l'Absurde, Cassiopée Desnuits. Pendant tout ce temps, Alastar avait poignardé l'Oeuvre magistrale de virgules silencieuses, sentencieuses, sans jamais lui accorder ce Regard. Celui qui voyait, celui qui savait voir et qui voulait bien admirer. L'anglais n'avait jamais su que saccager, répugner l'évidente clarté, il n'y avait là que de la lâcheté, de la crainte commune des isolés. Par moments, cette nuit tragédienne qui resterait gravée dans le marbre de sa mémoire si faillible, lui renvoyait au visage une chape de Silence roi et de Tristesse lugubre. Comment put-il devenir tel Monstre devant tel Ange ? L'Absurde l'inquiétait. L'Absurde le perdait. « Non, aujourd'hui ce n'est pas elle que j'ai vue à travers la fenêtre. » La détresse au bord de la vérité. La mémoire naufragée. « Ah bon ? Qui était-ce ? » L'homme des ténèbres s'était tu, une légère grimace se dessinant en coin. « Vous ne la connaissez pas... » Et lui la connaissait-il ? Aurait-il l'audace d'affirmer tel mensonge ? « Moi non plus, je... je ne la connais pas vraiment. » Mais il l'eut connu bien assez, malheureusement pour elle. L'Absurde de sa noirceur. La magicienne qui jouait, lumière à la baguette, de sorcellerie divine dans la nuit noire, qui laissait planer de réconfortantes mélodies dans les airs lorsque tout allait si mal. Celle qu'il avait atrocement éteinte sous le voile de son agnosticisme. Il n'avait pas voulu croire en son existence. Et, ironiquement, maintenant, il n'y avait plus qu'elle qu'il voyait. C'était en la prédicatrice qu'il croyait tandis qu'elle, était partie très loin déjà, convertir de nouveaux athées.

✯ ✯ ✯

Il eut faim de cocaïne, bien plus vite qu'il ne l'eut imaginé dans ses calculs bien pensés. Au début, le besoin était mince, ridiculement petit, quasiment facile à ignorer, un jeu d'enfant. Et puis il eut soif de cocaïne. Besoin légèrement plus insistant qu'il sut toutefois aussi bien mettre en retrait. Bientôt ce fut plus fort que tout, il ne respirait plus que de cette perte, il ne pensait plus qu'à ça, ne voyait, n'entendait, ne vivait plus que de ce manque atroce. Il se sentait sombrer, tantôt de colère, tantôt de chagrin, tantôt de douleur de corps et d'être. Melody à l'arrière plan pour la toute première fois, il ne pensait qu'à sa minable petite gueule d'épuisé blessé, malade de ce pansement ridicule qu'il s'était tous les jours collé à la peau pour tenir debout. Alors, il n'était plus question que de l'horreur de sa faiblesse d'être, les spectateurs de la tragédie Black se délectaient de sa Mort imminente. L'addiction désastreuse d'un homme éperdument amoureux d'un fantôme. La débâcle attendue qu'il ne sut pas pour autant réguler. Il perdait pied. Ne sut plus où aller, vers qui se diriger pour tenir. Les aides soignants ne le comprenaient pas... pas comme Desnuits. Bloody hell ! Il n'avait personne sur qui se défouler, sur qui s'appuyer pour tenter de relever le menton, n'en n'avait de toute manière plus la force. Et s'il se laissait aller, là, comme ça ? Pour voir ce qu'il adviendrait ?

Non.

Il ne pouvait pas. Elle l'avait laissé derrière, sans un mot, et cette impertinence typiquement française le garderait encore en haleine, encore un temps de Vie, pour combien de temps de Mort ? Il attendrait, dorénavant croyant, just a little bit. Ne serait-ce que jusqu'à-ce qu'il ait réponses à ses interminables questionnements. Desnuits, ah, vous pourrez un jour vous vanter de m'avoir ennuyé jusqu'à mon dernier soupir.

✯ ✯ ✯

The Collection - Sing of the Moon

Sa magicienne réapparut tout à coup, aux bleus éclats de l'âme, guidée par la poudre stellaire et la foudre spectrale. Une promesse inachevée sculptée par le Soleil et de tristes utopies. À l'entente de la voix de sa Sauveuse perdue, l'amertume noua la gorge de l'ex-patient, un goût de fer s'était baladé jusque dans les tréfonds du corps en si piteux état. Il pouvait aisément imaginer son regard expressif examiner les moindre parcelles de son âme dézinguée, les traits uns à uns de son visage abîmé, et se faire ses propres conclusions... Qu'il ne réfuteraient plus, l'évidence parlait pour lui. Mais, contre toute attente, elle n'en fit rien. Ce n'était plus la hargne qu'il sut faire vibrer en elle auparavant qui lui parla aujourd'hui. Après les salutations, les prémices de quelque chose de plus inattendu se mirent à flotter ça et là tout autour de lui, tels des papillons de nuits attirés par la lumière, ils vinrent se suicider tout contre son cœur. Jamais il n'aurait pu déceler tant d’atrocité, tant de malheur causé par nul autre que lui même, en ce bonheur vivant qu'était la demoiselle assise non loin de lui. Oh, il ne pouvait non plus mentir et clamer qu'il n'avait jamais voulu tout ça. Bien entendu qu'il avait compter sur le fait de la dégoûter, la répugner, l'effrayer mais ce n'était que pour se débarrasser d'elle, que pour l'éloigner, elle et tous les autres, de sa déchéance. Il était vicieux, terriblement mauvais et égoïste, mais n'eut à aucun moment l'intention de lui souhaiter ce mal en toute conscience. Ce mal, qu'il était lui même devenu pour elle. Elle parla, comme l'on parlerait à un ami de longue date qu'il était plaisant de revoir après un long moment sans nouvelles. Elle se confia, comme l'on avouerait son amour à son amant de toujours. Il sourit un maigre instant lorsqu'elle clama qu'elle avait compris, priant pour qu'elle n'intercepte pas cette horreur. Sans mesquinerie, sans douleur, sans couleur, elle ne comprenait pas tous les détails, mais il concédait tout le mal qu'elle s'était donné pour y venir à bout. Pourquoi lui porter tant d'importance ? Elle avait été si stupide pour ça. « Dites moi. » qu'il l'encouragea simplement, plongeant pour la première fois son regard sincèrement intrigué dans le sien, fascinant de rêveries. Elle n'avait pas changé, de son côté. Elle avait gardé sa beauté naturelle, sa rousseur flamboyante qui lui piquaient quelque peu l'âme autrefois, et, quoi qu'il puisse en dire, son charme à la française. Ça l’embêtait un peu de l'admettre, mais de toute manière ce n'était pas comme s'il le faisait à haute voix. Elle repartit dans ses folies... S'attacher à lui ? Quelles bien tristes péripéties. Il savait que ça lui passerait et que, toutes ces sottises, elle les oublieraient. Alors il se tut le reste du temps, penaud de toute cette dernière vague luminescente de bons compliments, de bons sentiments, de sincérité par millier dont il ne méritait pas même un petit bout. Il détourna son regard ailleurs, partout sauf sur son visage, se focaliser partout, sauf sur sa voix qui s'envolait Ailleurs. Dans cet Ailleurs qu'il aimait tant, avant.

La vision le pris par surprise, il ne pouvait pas faire retour en arrière. Ô malheur, ô ma douleur, la petite joie éphémère de Cassiopée vient maladroitement adoucir mon cœur, d'une pincée d'étoiles magnifiques, d'une pureté à en faire pâlir Lucifer. Dis-moi, que dois-je faire ? Quelques secondes à peine, il osa observer ce bonheur, démuni. Elle continua de s'exprimer sans filtre, plus aucun, n'en n'avait-elle jamais eu un ? Et il se perdit dans ses mots, dans ses rires légers, dans ses vérités, pensant tout ce temps qu'il s'agissait là d'un rêve et qu'il allait bientôt s'éveiller. Avant que, ô malheur, cela arriva plus tôt qu'il ne l'aurait souhaité. Cassiopée vint déposer son offrande sur ses genoux, et il n'écouta que partiellement la suite, les sourcils froncés... prêt à mordre de nouveau ? Non, certainement pas. « Qu'est-ce que... Et c'est tout ? » s'insurgea-t-il, avec le peu de force qu'il lui restait pour un tel affront mal joué. Ce tout. C'était grandement suffisant, bien plus qu'il n'aurait jamais pu demander. Ce tout. C'était bien trop. Oui, il en avait terriblement conscience, mais l'injustice n'avait pas sa place sur le moment, il fallait qu'il râle, qu'il joue encore les méchants pour se donner bonne prestance, se rassurer, une dernière fois, lui aussi. Il voulut, un instant, qu'elle parte en le haïssant. « Pauvre démente amourachée de trop d'Espoir... » souffla-t-il en balançant sa tête de droite à gauche. La hargne n'y était pas, le venin s'était évaporé, ne restaient que les mots d'un homme abandonné. « Vous partez pour toujours. Vous abandonnez, la bienveillance pour dernière larme, la fuite pour dernière arme. Excusez-moi, mais j'ai beaucoup de mal à vous croire. Je ne vous pensais pas comme cela, bien que vous faites le bon choix, n'en doutez pas. En essayant de me faire croire et de vous convaincre vous même que vous avez le cœur et l'âme en paix après m'avoir joliment chuchotés toutes vos pensées les mieux gardées au plus profond de votre être comme vous le faites, vous ne faites que vous rassurer de ce que vous prônez, pensant le faire en cachette, comme votre ultime échec. Vous ne me verrez que comme votre pénible défaite, c'est beaucoup trop idiot de votre part. Même si j'ai toujours été le premier à vous dire que vous n'êtes qu'une sombre idiote, ça l'est encore plus que de me donner raison, putain. » Il lui en voulait. Comment pouvait-il retourner la situation pour la mettre, elle, en porte à faux après toute le lumière qu'elle venait de lui balancer à la gueule ? Il ne savait pas, il avait juste besoin d'exprimer... d'exprimer quoi ? Il ne savait même plus ce qu'il ressentait. Puis cette colère qu'il pensait l'habiter s'en alla aussi vite qu'elle était venue. Son visage ne dépeignit plus qu'une profonde tristesse. Pour lui, pour elle, pour tout le monde, il pouvait bien être malheureux pour la terre entière, qui l'en empêcherait ? « Mais, au point où j'en suis arrivé, je me sens obligé de vous dire que vous vous trompez sur toute la ligne, Mademoiselle Desnuits. Vous vous êtes toujours trompée sur votre louable quête. Vous preniez beaucoup trop à cœur les tâches que vous avaient confié l'Olympe. » Lentement, Alastar reposa le paquet de chocolat et l'enveloppe sur le banc et se releva, surplombant ainsi de sa hauteur la française... et se rapprochant peut-être un peu trop près d'elle par la même occasion. Il fallait bien qu'elle comprenne. « Voyez les choses comme elles sont, pour une fois, ne faites pas de détours, regardez-moi comme je suis, pas comme je souhaite que vous me voyiez, sans complexifier davantage le tourbillon qui ravage votre cerveau continuellement, sans chercher à comprendre comment c'est possible ni pour quelle raison incroyable ceci ou cela est arrivé. C'est si simple, en réalité. Vous ne pouvez avoir échoué là où il n'y a jamais eu quelconque place pour cet Espoir fou qui vous habite, vous illumine tant et qui m'a ébloui trop de fois pour que je ne puisse l'atteindre. Vous n'avez rien perdu, il n'y avait déjà plus rien à perdre depuis un moment. » Il s'éloigna de quelques pas d'elle, étouffant de sa propre toxicité, de toute son amertume écœurante. Il attrapa un caillou à son tour et tenta d'imiter le mouvement précédemment excellé par Cassiopée, sans grand succès. Il ne fit que quelques bonds avant de plonger dans les profondeurs du lac. « Je n'ai pas votre chance. » rit-il nerveusement de lui même. Il plongea à son tour, ses mains lourdes et tremblotantes dans ses poches. « Avant de partir, sachez que je vous fais confiance sur un point. Sauvez ceux qu'il reste à sauver, les autres, ceux déjà enterrés, n'ont fait que vous retarder dans votre véritable épopée temporelle. Envolez-vous, rejoignez vos pairs et continuez d'illuminer les cieux, c'est votre plus grande qualité quoi que j'ai pu en dire par le passé, et vous en avez parfaitement conscience au fond de vous, je ne vous apprend rien. » Quelle ironie, peut-être souffrait-il de troubles bipolaires, finalement. Quelques minutes auparavant il se plaignait qu'elle l'abandonnait, et voilà maintenant qu'il l'acceptait et même la confortait dans son idée. « Ne vous perdez pas dans les mensonges de mon chagrin, ni dans le charme mortifère de mon amour perdu, je n'ai de fascinant que ma risible déchéance. Fut un temps où je vous aurai peut-être également mis en avant la passion de mon métier, mais plus rien ne tient debout, pas même mon envie de rabattre votre clapet de froggie intenable et impertinente. Voyez comme je suis tombé si bas, pourtant je ne volais déjà pas bien haut dans les ténèbres de ma minable vie. » Il l'observa un petit instant, cherchant à la sonder, sans pour autant y parvenir. Les conseils lui titillaient les lèvres, c'était tellement pitoyable, que savait-il, lui ? Qu'avait-il vraiment à lui apporter à part son absence ? « Regardez en face de vous et allez vous-en, sans ne plus jamais vous retourner, c'est la clé de votre Liberté. Oh, je sais bien que c'est ce que vous vous tuez à me répéter depuis votre arrivée, que vous vous savez assez forte pour cela, que vous comptiez déjà appliquer tous vos meilleurs conseils sur vous même une fois que j'aurai le dos tourné, mais... bien que je ne doute point que vous y parviendrez à un moment donné, je tiens à ce que vous le fassiez vraiment et le plus rapidement possible. Le Temps a son importance et peut devenir votre pire faux-allié. Je le connais bien, croyez moi, il est vicieux. Les paroles ne sont que du vent. Oubliez tout ce que vous avez cru interpréter pour des ressemblances entre nous, vous ne voulez pas me ressembler, jamais. Et non, contre toute attente, envers toute mon arrogance irascible et mes certitudes de grand maître scientifique je sais tout qui ne sais plus rien, je n'ai jamais été en accord avec moi même, pas plus que je ne l'ai été avec quiconque d'ailleurs... mais ça, vous le savez déjà plus ou moins, mmh ? » s'amusa-t-il finalement. Il se retourna pour lui faire face, comme s'il s'agissait de la dernière fois, et sans doute l'était-ce, pour elle comme pour lui, et commença doucement à s'en aller sur l'allée principale en lui soufflant ses dernières volontés. « Vous méritez mieux que ça, n'est-ce pas ? Enfin, qu'est-ce que j'en sais moi ? » Il haussa les épaules et capta son regard encore quelques secondes. « Gardez votre lumière astrale pour les Humains, Cassiopée, et volez, volez aussi haut que vous le pouvez, votre mère doit sans nul doute être fière de votre Vie, ou qu'elle puisse se trouver, d'où qu'elle puisse vous regarder. » Ce qui n'était pas le cas de sa femme et de sa fille. Comment savait-il pour la mère de son ex-compagnon de sobriété ? Il n'était pas devin, simplement qu'à force de la côtoyer, il avait capté quelques détails, s'était fait, tout comme elle se plaisait à le faire pour lui, ses petits scénarios, ses petites conclusions. Et un soir, il l'avait entendue cauchemarder, souffler avec douleur le mot Maman. Il ne prétendrait jamais comprendre cette douleur-ci, n'ayant jamais été proche de sa mère, mais la perte d'un être aimé demeurait le même combat. Combat qu'elle s'efforçait de remporter glorieusement à chaque fois; et qui, lui, le mettait enfin à terre une toute dernière fois.

Dansez encore un peu avec moi, c'est là que la valse prend fin.
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptySam 06 Avr 2019, 23:08


Elle avait effectué le voyage pour écrire le point final, l'adieu qu'il lui avait volé, parce qu'elle s'était sentie désarmée face à l'insipide de son existence qu'il lui avait balancé avec son mutisme et son aveuglement. Pas un mot, pas un regard fut-il empli de haine, aucun geste si ténu soit-il : il n'y eut rien à son encontre, absolument rien, alors même qu'elle se tenait à quelques pas de la porte. Le Sourd, Muet et Aveugle tout à la fois, lui claquait le bec et le cœur, simplement revêtu d'un silence assourdissant , d'une vision apocalyptique, les iris murés sur une géhenne qu'il s'injectait. Dépouillé, il s'octroyait la neutralité de l'impalpable de sa présence à elle. Il ne l'a perçue que dans un non-être où seule, l'inexistence de sa petite personne, si insignifiante, s'invitait à sa conscience. Il réussissait l'incroyable performance de la convertir au néant, l'espace d'une poignée de secondes.

L'appel du vide lui tordit les entrailles.

Ne plus revivre ça. Ne plus se brûler les ailes. Retrouver la Liberté. Respirer de nouveau la Vie à pleines artères. Ranger soigneusement l'histoire dans le tiroir de l'Oubli, pour l'enterrer là-bas, au fond des jardins secrets. Le mythe n'était que poussière et retournait à la poussière.
L'idée de le revoir une ultime fois s'était imposé. Affronter l'amoureux inextinguible d'un spectre contre lequel elle s'était espérée, en vain. Sculpter un clin d'étincelles avant le trou noir : ne plus jamais le revoir. Se soulager de tout ce qu'elle n'avait pas pu lui dire. Il était si prévisible, suintant la glace et la froidure d'un sempiternel hiver. L'arctique au bout des lèvres, crachant une sensibilité d'iceberg. Et elle, la fille du Feu au cœur de flammes, s'embrasant dans des crépitements d'espoirs, torturée à l'idée qu'il se refuse une possible résurrection à laquelle elle rêvait.
Elle savait tellement comment cela allait se dérouler : elle débiterait ses débilités, il n'écouterait même pas, coincé à l'entendre, soupirant d'ennui mortel, impatient que ça se termine.
Elle était convaincue d'elle-même la rouquine, trop assurée encore et toujours de cette naïveté gluante dont on pouvait persifler si facilement.
Durant le trajet, elle avait peaufiné ce qu'elle allait lui dire. Un essentiel qui se résumerait à un minimum bien sûr. Il fallait éviter de trop en dire avec l'anglais car il abusait de cette compétence machiavélique à retourner la situation contre soi. Elle en avait assez bavé pour prêter le flan encore. Cette fois-ci, elle allait en dire juste assez pour se libérer d'un trop plein qui la poursuivait depuis son internement. Le délestage salvateur qui lui permettrait de passer à autre chose, de ne plus culpabiliser. Lui susurrer un gros merde et qu'il s'envole à se faire foutre, tout doucement. Se restaurer dans un sursaut d'orgueil cinglé par l'humiliation.

Le regard flânant au-dessus des cumulus, ses pensées finirent par s'engouffrer dans les cimes vaporeuses, bercées de tendresse.

Ils se promenaient, nonchalants, clapotant au râle des vagues. « Quelque chose m'attire chez toi, depuis le début. Les gens comme toi, c'est comme l'attraction des océans avec la Lune... Putain d'empathie...J'en ai marre parfois de sentir les gens. Pourquoi je ne peux pas le contrôler ? Appuyer sur off de temps en temps... Mhff, en fait, j'en ai pas envie parce que j'aime ça... J'aime essuyer les larmes...Tendre la main... J'aime être là quand il n'y a plus personne, écouter quand il n'y a plus rien à dire, aimer quand il n'y a rien plus rien à aimer... C'est là où tout commence...Personne ne peut comprendre, mais c'est pas grave...C'est mon monde... J'ai perçu trop de choses avec toi Alastar...Cette profondeur que tu caches, cette sensibilité que tu as tuée, cette douceur que tu as déformée en monstre, cette fidélité que tu as diabolisée...J'aurais tant aimé t'aider à retrouver tout ça... Que tu sois bien, en paix... On serait peut-être restés amis...Tu m'aurais parlé des étoiles, je t'aurais raconté la France...J'aurais été si joyeuse de ta paix...Au lieu de tout ça, je... »

Ding. Le signal sonore lui fit lever les yeux sur le pictogramme de la ceinture de sécurité. L'atterrissage était imminent. Elle soupira, attachant la boucle, s'arrachant du rêve. Un de plus.

***

«A quoi jouez-vous?». L'âme en putréfaction avait parlé. Le son de sa voix d'outre tombe enrayait le paisible alentour, griffant ce qui aurait pu être si sage. La suite, éclatante d'infaillibilité, s'écrivait dans un futur d'évidence.

Mais.

Elle en eut un haut le corps d'étonnement, stupéfaite, reculant un peu. « Dites-moi » et son regard qui curieusement, s'éclaira, fixé sur le sien. Déstabilisée, elle bafouilla :

-Mais...non, je...je ne vous dirai pas.

Elle enchaîna, s'appuyant sur ce qu'elle voulait lui dire et que tout soit terminé. C'était elle qui aurait la main, qui lui tiendrait la dragée haute sans arrogance, mais avec le dernier mot. C'était lui, le patient, enfermé, condamné à être soigné. Elle, jouissait de sa pleine santé, libre. La situation, pour une exceptionnelle fois, s'inverserait à son avantage. Il n'avait plus les moyens de jouer sa petite tragédie d'indifférence dédaigneuse. Elle comptait bien en profiter, à son tour.

Mais le Divin de ses prunelles d'océans s'imprima dans sa mémoire. Le sublime de la sensation qui la frappa de plein fouet s'enfouit dans l'inconscient.

Si tu savais Cassiopée...

La cigüe fut consommée. Hormis cette futile provocation qu'il avait déjà oubliée évidemment, il ne l'avait pas interrompue, comme elle s'y attendait. Soulagée d'avoir parlé, les affres du poison qui la rongeaient furent dissous à l'instant même où elle déposa ses présents d'adieux. Elle allait rentrer et reprendre sa vie pépère.

Mais.

Le malade eut une réaction ahurissante. Tant d'insolence! Sa spontanéité fusa :

-Comment ça, «c'est tout ?!»

L'absurde de son audace la fit éclater de rire. Sur le coup, elle n'en revint pas et eut un peu de mal à se calmer.

-Vous alors! Quel culot!

Mais le clap de fin fut brutal. Et ce fut la sombreur d'un mauvais délire qui s'imposa. Il eut ces mots assassins qui la poignardèrent. Il n'allait pas recommencer son satanique rituel venimeux, à se foutre de sa gueule, méprisant et arrogant ?! Aucun contrat ne la liait désormais, terminées les obligations. Évadée, elle allait savourer l'indiscipline et la riposte. L'époque des repas de couleuvres était révolue.

-Ça suffit! Qui êtes-vous pour me juger?! Entre déments, on devrait se respecter au moins, non ? Et qui de nous deux est le plus cinglé ? Notez que ma folie me permet d'aller et venir comme je veux, vous ne pouvez pas en dire autant.

C'était un coup bas, elle le savait mais aussi, il allait trop loin, beaucoup trop loin. Et elle rompait une limite à laquelle elle ne voulait plus se heurter. Elle ne le laisserait plus se moquer, au moins ça, peu importe que ce soit pour les derniers instants qu'elle subirait avec lui. Un soupçon de dignité que diable.

-Et alors ? C'est mon problème, pas le vôtre. Je préfère être amoureuse de trop d'Espoir comme vous dites, plutôt que d'un spectre. L'espoir fait vivre, il ne tue pas. Et certains de mes espoirs se réalisent. J'ai de bonnes raisons voyez-vous, vraiment de bonnes raisons pour continuer à l'aimer celui-là.

C'était trop injuste. De quel droit il hiérarchisait ce à quoi elle croyait ?

-Qui vous dit que j'abandonne ? Vous ne savez rien, rien de ce que je suis. Vous croyez le savoir mais vous vous trompez. Et c'est bien comme ça. Qu'est-ce qu'on s'en fout de ce que je suis, ce n'est pas le sujet de toute manière...Vous êtes si enfoncé dans vos noirceurs que vous ne voyez plus la réalité de ceux qui vous entourent. Je vous laisse, oui, parce que je suis fatiguée, parce que je me suis sentie humiliée par votre comportement, votre indifférence. Je ne suis pas un programme informatique ou un robot, je ne suis qu'une humaine. Et au moment où j'accepte votre refus de vous sortir de là, vous me crachez à la gueule tout votre...votre vomi de...de... paumé...de... veuf en perdition, parce que moi, moi Cassiopée, qui ai vécu avec vous pendant tous ces mois, je suis aujourd'hui convaincue que je ne suis pas la bonne personne pour vous extirper de votre abîme ! Mais je vous rappelle que c'est vous qui êtes responsable de cette évidence ! Et je précise, je dis responsable, pas coupable, comprenez bien la différence dans votre caboche.

Elle s'arrêta, consciente de perdre son sang froid mais ça lui faisait un bien fou, qu'est-ce que ça lui faisait du bien !

-Vous ne me croyez pas mais je ne cherche pas à vous convaincre de quoi que ce soit, je vous le dis c'est tout. Fin de l'histoire. Mais vous avez raison sur une chose, je ne suis pas tout à fait en paix car...Pardon... ? Que dites-vous... ? « joliment chuchotés ? » Ahah, mais vous avez véritablement, authentiquement l'esprit déformé mon cher. Vous croyez que je m'applique à vous parler ?Je suis tout ce que vous voudrez mais rien de moins que sincère, exclusivement. Je vous parle comme je suis, sans filet, brute de pomme, mais je constate, comme d'habitude, que vous me...me...à quoi ça sert de toute façon...

Elle haussa les épaules. A quoi bon poursuivre une discussion stérile ? Ils ne se comprendraient jamais.

-Je vous vois comme une de mes limites, pas comme une défaite. On n'y parviendra pas, vous avez trop tendance à penser à ma place...Le soleil et la lune qui essaient de se parler et qui se rencontreront  à la saint Glinglin.On ne peut pas remettre ça en cause, vous le savez mieux que moi, Monsieur l'astrophysicien. Voyez, vous pensez que j'y crois à ma stupidité comme vous l'avez «perroquété» chaque semaine à Santa Monica ? Tout est relatif, vous savez, on est tous le con de quelqu'un. Je suis votre conne, et alors ? Vous prétendez que j'y ai cru ? J'ai réussi à vous en persuader, pas mal...L'autodérision est une belle arme...Ça marche toujours...

Un sourire malicieux et satisfait, elle se pencha un peu vers lui :

-Je n'ai donc pas échoué partout donc... J'en ai marre de l'entendre, ça oui, et je ne vous laisserai plus me le jeter à la tête sans rien dire. Mais y croire? Voyons, je suis un peu plus solide que ça, quand même. J'en ai vu d'autres et ce n'est pas un freluquet comme vous, rogné à la coc qui me persuadera que je suis une conne extrême. Bon, je vous l'accorde, c'est sans doute vrai au fond....Tiens, je n'avais pas pensé à ça...Experte en connerie extrême!

Elle s'esclaffa, plaisantant, trouvant l'idée cocasse, n'ayant plus envie de se laisser atteindre par un mélodrame triste et abyssal de désespérance. Non merci, une seule overdose suffisait.
Puis soupira, agacée. Pour qui se prenait-il ?! Tout partait en cacahuète, rien ne se déroulait comme prévu. Il devait se taire! Il aurait du se taire, bordel, noyé dans un mutisme d'anesthésie!

-Eh bien, tant pis si je me trompe dans ma « louable quête » comme vous dites. Ça ne me dérange pas. L'Olympe...Ces mots que vous employez comme si on était à l'antiquité. On est au XXIème siècle et Zeus ne me parle pas entre les nuages. Et je dis tant mieux de m'être trompée, parce que j'apprends des choses que vous ne voyez pas et que vous ne verrez jamais d'ailleurs. Mais bon, aucune importance...

Il se leva et elle faillit faire de même, au bord de la fuite. Ses paroles la heurtaient, la bousculaient et elle ne résistait pas à lui répondre. Pourquoi ne le plantait-elle pas là, tout de suite? C'était si simple, merde!
Sa silhouette imposante répandit son ombre entre elle et les rayons du soleil. La française recula contre le dossier du banc, croisant les bras, apparemment très sûre d'elle mais au fond...Ses yeux bleus haussés à le dévisager, elle serra les dents, fière et insurgée. Mais l'estoc la prit de court, lui coupant le sifflet d'un coup. Elle n'avait jamais pensé à ça, de fait. Ils n'avaient décidément rien en commun. L'emmêlement de deux antipodes, l'équation impossible.
Il s'éloigna et elle en profita pour reprendre un semblant de calme, réfléchir vite pour contrer cette vérité qui lui appartenait.

-Ce n'est pas de la chance, c'est de l'entraînement, souffla-t-elle. Le chant du cygne s'achevait, elle le percevait sur chaque pore de sa peau. A l'intérieur, elle trembla.

-Eh bien moi, j'en fais de la place. C'est une vue de l'esprit et le vôtre n'est pas le mien.

« Votre chagrin est tout sauf un mensonge. Et cet amour perdu...Il n'a de mortifère que son expression. Votre capacité à aimer reste fascinante ». Mais seuls les dieux l'entendirent. Elle se tut, engrangeant la finesse de son intelligence.

-C'est mieux que de ne pas voler du tout
, sourit-elle.

La magie de ses incantations faillirent la terrasser, comme autrefois où la priorité professionnelle  muselait ses émotions. Il fallait briser ce cercle infernal, sinon, la fêlure perdurerait et elle s'y écorcherait avec d'autres, ailleurs. Elle devait le faire pour elle-même, tout de suite.
Elle para l'attaque, et pointa alors une lame acérée et chirurgicale, brisant les remparts d'une certaine retenue qu'elle s'efforçait de maintenir depuis le début de leur entrevue.

-Que savez-vous de ma liberté... ? Vous, tenir à quelque chose ? Mais c'est...Miraculeux... Et je regarderai où j'ai envie, j'oublierai ce que je choisis d'oublier et ce n'est pas vous qui allez me dire ce que je veux. Ce que je sais, c'est que vous avez été au moins en accord avec Mélody, au point de devenir père avec elle, donc suffisamment en accord avec vous-même pour ça. Alors arrêtez de vous mentir ou de vous fuir, ce serait l'apologie de l'imposture de cet amour.

La mélodie d'agonie s'éleva. Il partait, lui aussi.

-Si vous le dites...mais oui, en effet, vous n'en savez rien.

Leurs iris s’entrelacèrent dans le pas de danse final. Elle allait le héler dans un sursaut de rébellion, quelques mots assemblés dans un triste achèvement : « Croyez et pensez ce que vous voulez, mais encore une fois, j'en fais ce que je veux de cette chose que vous nommez lumière et... »

Quand subitement, alors qu'il commençait à s'éloigner, son presque murmure gifla l'air comme un boum de tonnerre dans un ciel d'été. Elle tomba de l'armoire, inerte sur le coup. Comment pouvait-il savoir ?! Elle n'avait jamais, ô grand jamais, donné aucune, absolument aucune information sur sa vie privée à qui que ce soit à Los Angeles. Elle verrouillait à mort tout ce qui la concernait. C'était un principe de base pour tout psychologue qui se respectait. Le boulot et le reste étaient cloisonnés à fond. Et Cassiopée, sous ses airs qui n'en avaient pas l'air, appartenait à la race des gens secrets.
Putain de merde !
Elle s'attendait à tout, à tout ce qui pouvait exister ou pas, tout ce qui pouvait se produire ou pas, mais pas à ça. Pas à quelque chose en rapport avec son intimité.
Muette de stupeur, elle se figea, assise sur ce banc dur, seule et estomaquée.
Elle ne pensa plus, devint animal. Son instinct lui ordonna le contraire de la raison. Elle ferma les yeux, luttant contre une vague de larmes. C'en était trop.Trop de Rien. Trop de Tout.
Ramassant l'enveloppe et la boîte, elle se mit à courir pour le rattraper. Puis le dépassa et se planta devant lui, bloquant sa marche.

-Vous n'avez pas le droit de me dire ça. Et j'en ai plus qu'assez que vous vous preniez pour le Dieu tout puissant depuis votre Enfer ! Je ferai l'inverse de ce à quoi vous tenez, juste pour vous prouver le contraire de vos certitudes de merde. Et ce n'est pas  avec vos calculs ou vos...vos prétentions ou vos injonctions que vous trouverez la solution pour vous débarrasser de moi!

Elle perdit pied, le saisissant par les deux bras, trop grand qu'il était pour le secouer par les épaules :

-Réveillez-vous! Laissez-vous être vivant! Je ne supporte pas que vous vous laissiez mourir! Entendez-vous? Je ne le supporte pas!

Puis le lâcha brusquement, essoufflée d'insoumission et d'impuissance.

-C'est vous qui vous plantez jusqu'à la moelle. J'ai...Je...

Remontant ses cheveux lourds en un geste machinal, elle reprit son souffle et prononça la sentence, l'index pointé, magistrale d'autorité et de volonté :

-...Je ne vous lâcherai pas.


Elle humecta ses lèvres sèches, l’œil incendiaire, embrasée d'une détermination farouche et invincible.

-Je disparaîtrai le jour où vous serez dans une autre vie, sur cette Terre. Mort ou vif, mais pas tel que vous êtes, maintenant.

Ce fut elle qui le quitta sur l'allée, pour mieux revenir, quand elle le déciderait. Elle avait changé ses plans, d'un claquement de doigts. Quel bonheur de paraître folle aux yeux du monde, à ses yeux à Lui.

Il aimait un fantôme. Elle réapparaitrait pour le hanter dans la Vie.

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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyMar 09 Avr 2019, 23:48

Beyond: Two Souls - Theme Music

Quelques mois plus tôt, Los Angeles, Californie

C'était une nuit comme les autres. Ou peut-être pas. Égaré depuis que le temps s'était arrêté sur quatre heures et quatre minutes -certaines choses ne changeaient pas-, dans les ruines de sa voie lactée cérébrale; le scientifique quêtait à sa grande Douleur. Il se souvint avoir répondu à l'Appel. Un gémissement lointain, quelques pleurs étouffés, un cri presque inaudible... Qu'il entendit, lui. Quelque chose, quelqu'un, n'importe quoi... Il ne pouvait pas rester là sans bouger, alors il se laissa guider par l'harmonie sentencieuse que lui chuchotait cette aura de mélancolie. Et cette Lumière. Oh il faisait jour cette nuit là. C'était de sa faute à elle. La Lune. Sombre traîtresse. L'étage descendu à pas de loup, il la vit sans aucun mal, Desnuits. Endormie dans les bras du Cauchemar, elle faisait peine à voir. Et lorsqu'elle immisça un faible mouvement, en boule sur le canapé, la peur le prit au cou, il voulut s'en aller. Les dernières fleurs du Silence tressaillirent, un petit mot s'envola dans le lointain. "Maman". Le coup de foudre le frappa de plein fouet. Dans la gorge, dans le cœur. Qu'était-ce que cela encore ? Il cligna des yeux une fois, deux fois, puis demeura tel un robot ridicule, complètement déconnecté. Le silence. Elle se tut. Lui aussi. Il ne parlait pas, non, mais dans sa tête : les idées noires s'étaient ravisées, elles devenaient respectueuses. L'espace d'un instant, la seule douleur qui eut le droit de s'apitoyer sur son sort fut celle qu'il voyait chez un autre. Une autre. Cassiopée. Il resta là, les bras ballants, à examiner tout ce qui composait cette pièce sans goût; des tableaux qu'il n'appréciaient même pas, des meubles trop grands et inutiles qui ne contenaient rien, une feuille griffonnée de calculs savants qui jonchait le sol, un coussin couleur ocre qui servait de lit à Edgar..... ce tout, cet absolu Rien, eut un intérêt soudain pour son esprit calculateur en peine. Oui, tout sauf la vision de cette sombre idiote peinée par la perte de sa mère. Il ne pouvait se voir, alors comment l'admettre ? Mais pour la première fois depuis longtemps, il ne sut plus quoi dire, ni quoi faire. La noirceur de son mal être avait perdue sa voix et ne souhaitait plus lui être d'une quelconque aide. Après de longues secondes soumis sous le contrôle de cette ennemie folle qu'était l'Empathie, Alastar ne pensa plus qu'à se droguer. Courir à l'étage et tout oublier. À cette pensée, la française changea de position, le ramenant à la réalité. C'était comme si elle lisait dans ses pensées. Comme si quelque part, elle était toujours là pour le rappeler à l'ordre, même lorsqu'elle ne l'était clairement pas physiquement. Après quoi, elle se rendormit sans plus de turbulences. Il vint tout de même rajuster la petite couverture de soie qu'elle tenait maladroitement dans le creux de l'une de ses mains. Il la remonta jusqu'à ses épaules, s'appliquant quelques instants, les sourcils froncés. Il se recula prestement quand il l'entendit émettre un son suspect et remonta dans sa tour d'obsidienne, de là où il pourrait continuer à contempler la Mort sans la toucher. Elle n'aurait jamais vent de cette soirée. Et lui, il n'était pas dit qu'il l'oublierait.

Nowadays, Liverpool, Central Addaction Recovery Centre (ARC) - The Gateway

Alastar était consciemment allé la chercher, au plus loin de la Vérité, vicieux qu'il était. L'ultime altercation des Vivants. Celle qui rassurait les Morts. Il l'avait recueilli délicatement entre ses doigts, l'avait laissé danser à sa guise sur sa paume, l'avait écouté lui souffler des veloutés titanesques, cet Espoir Empereur de damné ....... et puis il l'écrasa farouchement, bien conscient de la peine qui en découlerait inévitablement. Il ne savait réagir autrement. Il ne savait pas. Que faire face au Bien ? Que faire lorsque sa sérénité, sa bienveillance, sa franchise, sa douceur....... Que faire lorsqu'elles faisaient mal ? Lorsque le cœur, lorsque l'âme, n'avaient plus aucune raison pour tenir bon. Le malade qu'il était embrassait le Mal à corps perdu, de toutes ses dernières volontés. De ses dernières forces sans aucune poigne, il liait pitoyablement ses bras aux ténèbres, à tout ce qu'il connaissait... mais durant ses mots, quand Cassiopée s’épancha sincèrement sur toutes ses plaies, le Mal l'abandonna sans un regard. Il eut si peur de le perdre qu'il se protégea coûte que coûte. « Je ne suis personne justement, c'est bien la raison pour laquelle je me permets ce que je veux. » Qui viendrait le remettre à sa place ? L'arrogance, le fiel, les jeux de verve, étaient tout ce qui lui restait. Elle ne comprenait pas ça. Bien sûr, elle ne méritait pas ça. Sans doute ne l'avait-elle même jamais mérité. À l'entente de la fin de sa phrase, il comprit probablement que c'était la fois de trop. Mais sa pitoyable pique ne le heurta pas plus que nécessaire. Au point où il en était arrivé, plus rien ne semblait vraiment le toucher comme avant. Peut-être était-ce l'effet de la cure qui le rendait d'autant plus insensible face à la douleur externe, celle qu'il ne s'infligeait pas lui même. Mais pourquoi cela la touchait tant, elle ? Elle qui était venue lui susurrer ses derniers mots avant de s'envoler vers d'autres cieux... Elle était toujours là. Encore à le défier. Ne se lassait-elle jamais ? Même sa provocation sur le spectre ne le heurta pas immédiatement. Non, il soupira simplement, l’œil inerte, posé loin derrière la française. « Mon spectre, comme vous appelez ma Melody, vaut bien tout votre Espoir. Vous ne la connaissiez pas, vous ne pouvez pas imaginer qu'elle en était un à elle toute seule. Faites ce que vous voulez du votre, mais ne venez pas insulter le mien, qui s'est éteint, s'il vous plait. »

Comment laisser remporter le Bien sans se battre une toute dernière fois ? Cela aurait été beaucoup trop simple. Au fur et à mesure que la française s'agaçait, il sentait comme une impression de déjà vu. « Je n'ai plus envie de me battre avec vous. » fit-il dans un souffle, plantant ses deux iris électriques dans ceux tempétueux de la rousse. Elle s'emportait, si loin encore, tentant de le ramener à une raison qu'il refusait d'entendre. « Je sais simplement sur quel bouton appuyer pour vous faire réagir, et vous tombez tête baissée dans le panneau. Ce n'est pas méchant ce que je dis, ce n'est qu'un constat, hurlez ce que vous voudrez si ça peut vous faire du bien d'une quelconque manière. Mais je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit. » Il secoua sa tête de gauche à droite et la laissa continuer à râler seule. L'interpellation qu'elle fit au beau milieu de tous ses autres sarcasmes au sujet de son métier put paraître anodine, mais elle le toucha bien plus qu'il ne l'aurait souhaité. Ses yeux trouvèrent le sol et son cœur devint si lourd qu'il eut l'impression de se le faire arracher. Il n'entendait plus Cassiopée.

Où es-tu donc ma Passion ? Pourquoi je ne t'ai plus dans la peau, comme avant ? Aurai-tu peur de ce que je suis devenu, toi aussi ? Je pense à toi encore parfois, tu sais. Ecrire des inepties en ton nom me manque terriblement quand j'y pense. Et admirer, le ciel, la voie lactée. Penser Science, oublier l'Humain. Voir l'Ailleurs, s'épancher sur des Peut-être, des thèses de grands hommes ou de collègues fous. Débattre des controverses sur les folies du Temps, que personne ne comprend. S'imaginer l'Impossible, tout en se confrontant aux limites du Réel. Rire de mes bêtises, rêvasser des pleines lunes durant. Croire en mes découvertes, servir à quelque chose. Où es-du donc ma Passion ? Tu me manques. Pense à moi, je t'en conjure. J'ai besoin de te savoir là, quelque part, derrière ces barrières, à attendre mon retour.

La voix railleuse à souhait au fort accent français le fit tiquer et revenir à la réalité. Il l'observa un instant, sans énoncer un mot de plus. Il haussa simplement les épaules. « Je ne ne pense pas que vous soyez conne. Sinon vous seriez restée. Comme quoi, vous voyez, moi non plus je n'ai peut-être pas tout échoué. » admit-il avec amertume, sans ne plus chercher à supporter sa vue, qui commençait sérieusement à l'étouffer maintenant. Il se leva pour reprendre de droit possession de son espace personnel qu'elle s'évertuait à ensevelir sous sa rage maladive. Elle se vengeait de tous ces mois à souffrir à ses côtés, étrangement, il ne voyait trop comment se justifier tant il se trouvait qu'il n'existait rien en ce bas monde qui expliquerait qu'on ait pu traiter un être humain de cette sorte. Pour seule excuse, il se disait qu'il n'était plus un Homme. Mais pouvait-il lui dire une chose pareille, à elle ? Certainement pas, alors il alla simplement jouer lui même avec un caillou, échouant lamentablement par la même occasion. Il l'écoutait attentivement, se forçait même à la regarder par instants, ne voulant pas qu'elle s'imagine encore qu'il l'ignorait superbement. Ce serait tricher. Ses mots le touchait, plus qu'il ne voulait l'admettre. Mais il était déjà si bas, dans ses abîmes, qu'elle ne pouvait plus creuser davantage sa tombe. « Vous m'apprendrez ? À voler ? » Les mots étaient partis tous seuls. L'éclat de la peur passa dans son regard. Il tenta bien vite de se rattraper. « Je plaisante, bien entendu. Humour britannique. Vous devriez être habituée depuis le temps... » lança-t-il bêtement, c'était la seule branche qu'il avait trouvé sans laquelle il se serait sans mal pris les rires moqueurs de la française. « Si je n'ai pas le droit d'affirmer des choses à votre sujet, ce serait bien que vous en fassiez de même pour moi, histoire qu'on reste sur ce même pied d'égalité une toute dernière fois. Vous ne savez rien, rien de ce que je suis. Quittons nous là-dessus. » Il reprenait ses mots, après tout il serait temps qu'elle arrête de son côté de se comporter comme une Prophète. Ah, ces foutus psy et leur complexe de Sauveur, ils pensaient tout voir et tout savoir chez leur pair, mais ils ne savaient rien. Certes, il s'était amusé à dire ce qu'il voulait à son sujet de son côté, mais ce n'était pas non plus la porte ouverte aux siennes; d'absurdités. Sinon qu'adviendrait-il d'elle, ou de lui ? Ça ne faisait aucun sens. Leur conversation était vouée à l'échec. Ils ne se comprendraient jamais.

Puis il en eut ras le bol, de tout ça, d'elle, de lui, de ce parc merdique. Il ne l'entendait plus, s'en allait sans se retourner, lui clamant ses derniers mots à la volée, qu'il pensait le plus sincèrement du monde, pour une fois qui ne serait de toute manière pas coutume. Evidemment, il fallut qu'elle revienne en mettre une couche. Lorsqu'elle vint se planter devant sa route, il soupira longuement, se préparant une nouvelle fois à l'entendre déblatérer ses ignominies qui n'avaient pour but que de se décharger de sa haine qu'il finissait par penser infinie à son égard. Que l'être humain était prévisible..... Peut-être pas tant que ça. Ce qu'elle vint lui chanter ne sonnait plus de la même manière. Il l'avait touché. Pour une fois, sans le désir de la descendre. Il l'avait touché, mais d'une manière qui s'était voulu sincère, presque bienveillante et ça ne lui avait pas plu, forcément. « Du coup je serai plutôt Lucifer. » souffla-t-il, pince sans rire. Ce n'était absolument pas le moment et il était fort probable qu'elle lui en foute une, mais il n'avait rien trouvé d'autre pour se défendre. « Je ne vous suis plus là. » Les yeux clos, il passa sa main sur son visage, las de tout. Voilà qu'une fois encore, elle décidait de rester. Qu'avait-il dit pour qu'elle change soudainement d'avis ? Qu'avait-il fait ? Était-elle tant mauvaise joueuse que ça ? Refusait-elle tant que ça d'avoir tort ? Sa soudaine détresse le pris de court. Il ne savait plus où se mettre, comment réagir. « Lâchez-moi, je vous en supplie... Vous ne voyez pas que tout est déjà perdu pour moi ? Vous alliez vous en aller, pourquoi vous..... » gémit-il, les paupières toujours férocement fermées. Lorsqu'il daigna de nouveau la voir telle qu'elle le dévisageait, l'océan fut plus expressif que jamais.

Lentement de douleur, il mourrait d'elle. À bout de souffle, souffle d'un vent frêle, il implorait les dieux qu'elle reste. Une seule et unique larme jaillit de ses yeux vitreux de mort-vivant. La peur cadavérique de l'Espoir qui rayonne de mille feu. L’héroïne folie lui nouait les entrailles. L'oiseau qui avait voulu conquérir seul les infinies altitudes bleues, revenait privé de plumes et chargé d'ombres. Mais le Phœnix qui l'observait depuis des lustres, depuis les cieux, voulut lui venir en aide. Il était tard. Était-il trop tard ?

Les jours passèrent, les semaines, pas de signe de Cassiopée. Peut-être avait-elle menti, finalement. Peut-être s'était-elle ravisée, ou avait-elle oublié. Peut-être qu'il ne la reverrait plus jamais tout compte fait. L'idée lui fit perdre raison. Toutes les journées durant, il fit vivre un Enfer sans équivalent aux pauvres êtres humains qui osèrent s'approcher de trop près du macabé. Souvent, ses journées se résumaient à lui, pleurant de ce manque l'ensorcelant tout entier. Il se haïssait tant pour ça. Une faiblesse insultante. Il pleurait si aisément pour sa putain de drogue, alors que cela faisait des années qu'il ne pleurait plus pour Melody. Il se détestait tant. Il était si pitoyable. C'était Cassiopée qui avait raison. Comme souvent, sans qu'il n'ait jamais voulu l'admettre. Elle avait raison, mais elle n'était plus .
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyMar 16 Avr 2019, 13:10

J'entends ta voix dans tous les bruits du monde.
(P.Eluard)

Elle avait eu besoin de faire une pause, s'éloigner de Lui, retrouver une force perdue.Ténébreux comme il était, il devait être convaincu qu'elle l'avait oublié d'ailleurs. L'idée la faisait sourire. « Tu ne sais pas à qui tu as affaire mon pote ». Plus il s'enfoncerait, plus elle serait attirée. Elle l'avait réalisé après leur entrevue et ne cherchait plus à comprendre. C'en était devenu une affaire personnelle qu'elle comptait bien mener à son terme. Un trophée unique à son tableau de chasseuse d'espoirs. La provocation hautaine de l'Impossible qui la faisait vibrer. Elle avait trouvé sans chercher un os à ronger.

Mais oui mais oui, Cassiopée...Allez vas-y, continue de croire à tes rêves. Ça, c'est la partie noble, celle que tu penses dominer à ta guise. Mais tu te plantes ma vieille, tu te plantes à cause de cet orgueil mal placé qui t'embrume le cerveau et le cœur. Tu ne pourras pas lutter contre le Destin. Depuis la nuit des temps, c'est lui et lui seul qui règne en dictateur.

Il y eut aussi ces balbutiements de présages qui l'avait touchée. Pour la première fois, il avait parlé, beaucoup parlé. Presque trop, n'ayant même pas réalisé les flashs qu'il avait déclenchés en elle.
Il avait réagi, s'était défendu :« ...Ne venez pas insulter le mien...je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit... », prononcé un fragile optimisme : « ... Je n'ai peut-être pas tout échoué... », avait fait preuve  d'un soupçon d'humour qu'elle avait chopé au vol : « Mon Lucifer » se plaisait-elle à dire, lorsqu'elle songeait à lui, volontairement. Après coup, la plaisanterie la faisait rire.
Et puis...il avait eu raison, terriblement raison sur un point en particulier qui ne lui plaisait pas du tout, mais alors, pas du tout : il savait où appuyer pour la faire sortir de ses gonds. Rien que d'y penser, ça la foutait en rogne. Que ce type puisse l'atteindre de cette manière-là ! « Il ne m'aura plus».

Pauvre rêveuse.

« ... Je vous en supplie... ». La prière des martyrs. Insoutenable. La larme des crucifiés. Inimaginable. Elle l'avait quitté sans un mot, lui lançant un dernier regard, dévorée par une compassion fiévreuse, furieuse de sa propre faiblesse. « Ras le bol ! Ras le bol Alastar , de m'écorcher sur une porte blindée pleine de clous et de poison ! ».

Mais le pire avait soufflé une surprenante apothéose où quelques mots maladroitement justifiés, s'étaient incrustés si profondément en elle. « Vous m'apprendrez ? À voler ? ». Trop spontané pour ne pas être sincère, trop pur pour ne pas être un rêve authentique. L'espace d'une particule, ils s'étaient rejoints, liés par une symbiose parfaite. Et Cassiopée ne parvenait pas à en oublier l'écho d'absolu frémissant aux saccades de son palpitant. Marquée au fer par un ange déchu, la parole jaillissante de feu et de lumière s'incendiait en elle, envoûtant ses strates secrètes.

« ...Je ne suis personne justement... ». Justement, personne ne lui avait jamais parlé de cette façon.

Qui es-tu Alastar ? Lui ressemblerais-tu, là-bas, aux confins de ton univers ?

Ah... Cette chose innommable nommée aux quatre coins de la planète...Cette chose inconcevable déclinée par toutes les conjugaisons du monde.
L' Amour...Il se dilatait imperceptiblement. Irrémédiablement. Tel un jaguar, le Prédateur universel braconnait sa proie, tapi dans la conscience aveugle de la rouquine, à l'affût de l'inévitable éveil qui surviendrait tôt ou tard.

***

Il allait  les tuer. Vite ! Se planquer ! Serrés l'un contre l'autre derrière le gros meuble d'une cuisine à peine éclairée, ils attendirent une salve de secondes, insupportables de tension. Les pas lourds martelèrent le sol. La terreur d'être égorgés les fit haleter sans air. Mais il leur balança un zippo et disparut brusquement. Les deux héros s'enlacèrent brièvement, soulagés d'un trop bref répit, la monstrueuse cavalcade des assassins grondant au loin. Ils devaient fuir, s'arracher de la fragilité de leur refuge. Ils aperçurent au delà de la fenêtre une voie ferrée. La fugitive comprit : il fallait allumer la bombe et l'envoyer le plus loin possible pour faire diversion. « Donne, je vais le faire », chuchota t-elle. Elle la lança de toutes ses forces et ils se retrouvèrent brusquement sur une grande plaine pentue où seul le halo glauque de la nuit éclaircissait l'étendue herbeuse. Tous s'affrontaient dans l'hémoglobine et les coups de feu. Les gens beuglaient, paniqués, se carapatant dans tous les sens. La Mort frappait de tous côtés, des corps sanglants se désarticulaient étrangement ralentis puis s'éparpillaient dans un mouvement gracieux de valse funèbre. Ils furent séparés par la débandade hurlante de cette foule démente et le désespoir de l'avoir perdu la fit gueuler : « Alastar ! Alastar ! ». Elle voulait courir...courir à le retrouver...Mais, ô Épouvante, n'y parvenait pas. Impossible de prendre de la vitesse. Elle s'acharnait quand soudain, un enfant passa tout près d'elle et une voix murmura : « C'est lui, il s'est déguisé. » Oui, bien sûr, ils ne pourraient pas le reconnaître ainsi, ils ne pourraient pas le tuer. «Viens ! » Elle l'entraîna là-bas, vers la porte où le morbide ne pourrait plus les atteindre. Ils y étaient presque...presque... Plus que le porche à franchir, plus qu'un pas, un pas infinitésimal et tout serait fini, durant des millénaires. Elle le savait, elle le sentait dans tout son être. Enfin... Enfin...Sauvés pour l'éternité...l'éternité...
Mais l'impact de la balle le percuta à plein dos. Elle reçut le soubresaut de son corps d'adulte contre son ventre. Il s'affaissa alors qu'elle retenait sa chute entre ses bras, éprouvant le brûlement pesant du sang qui se déversait contre sa jambe. Ils étaient parvenus de l'autre côté pourtant... Et ce silence qui aurait du être consolant après tout ce vacarme, cette solitude qui aurait du être apaisante après tout ce grouillement...Elle s'agenouilla à terre, emportée par son absence de vie. Penchée sur lui, l'entourant par les épaules, elle murmura si amoureusement: « Alastar... ?». Il allait ouvrir les yeux, lui sourire...Et tout serait parfait, comme il fallait. Une main délicate posée sur sa joue, elle le contempla quelques secondes puis le supplice...Le supplice de la Séparation la fit hurler.

Cassiopée se réveilla subitement, désorientée. La transe de douleur l'a fit s'asseoir sur le lit, suffocante de sanglots, ensevelie dans un chagrin trop vif. Les éclats lunaires finirent cependant par s'imposer, et elle regarda sans voir par la fenêtre dont elle ne fermait jamais les volets. « Quelle horreur» gémit-elle. Vivre ça, comme si c'était vrai. Elle se pencha sur la table de nuit et prit un kleenex du tiroir, séchant ses joues trempées. Puis se moucha avec exagération, chassant les affres de son cauchemar par le bruit de réalité. Vidée, elle se traîna dans la salle de bain. L'eau fraîche sur son visage la détendit. Les paumes appuyées sur le rebord du lavabo, elle interrogea le miroir :« C'est quoi c'délire... ?! ».

***

Malgré les difficultés, l'expérience de Santa Monica avait confirmé l'une de ses aspirations : elle aimait les cas extrêmes. De retour en France, elle s'inscrivit donc à deux formations en soins palliatifs tout en retrouvant avec bonheur sa famille, ses amis, avalant jusqu'à plus soif de grandes goulées d'amitiés, de soirées, d'affection, de rires, de légèreté. Elle embrassait Paris avec passion et soulagement. Quel délice de récupérer ses repères, son territoire, sa vie.

-Institut Curie, Paris-Avril 2019-

-Ma famille me dit que je dois me laisser faire aux traitements, ils pensent que j'ai résisté à la chimio et que c'est pour ça que ça n'a pas marché. Mais c'est pas vrai, j'ai rien fait contre.
-Je vous crois.
-De toute façon c'est trop tard. Vous le savez que je vais mourir?
-Oui.
-C'est...bizarre d'être consciente que ça va arriver bientôt. J'ai l'impression que...


Ils savaient tellement que leur temps était compté et à l'inverse de ce qui se passait en général,  le « travail » intense s'engageait tout de suite. Le premier entretien était souvent très dense, la parole devenait suprêmement essentielle, aidant à dissoudre l'angoisse.
Et c'était là, au creux de l'impensable, que la psychologue s'épanouissait. Une sorte d'adrénaline d'empathie la prenait, viscérale et exclusive pour ces incurables métamorphosés en éponges de sensibilités. Son job l'éclatait. Au contraire d'Alastar qui s'évacuait dans le déni, ceux-là apprenaient et respectaient dans l'urgence ce qui leur restait à vivre. Personne ne lui envoyait de fiel. Elle représentait l'un des derniers appuis sur lequel ils pouvaient se reposer.
C'était bon de se sentir utile.

***

-Salle de pause-

-Ce week-end, j'ai la belle-mère qui débarque, pfff lala et on a plein de trucs à faire, on doit...Blabla...blabla...

L'image de son visage torturé et si las, cet instant où il avait fermé les yeux alors qu'elle pétait les plombs, apparut tout à coup. Elle ne savait plus exactement ce qu'elle avait dit d'ailleurs...Et puis, cette phrase qui lui tintinnabulait dans les tympans : « Vous m'apprendrez ? À voler ?  » Se pouvait-il, qu'au fond, il soit comme elle ? Qui oserait poser une telle question sans être, un peu, beaucoup, passionnément, rêveur ?

-Cassie !
-Quoi ?
-Je t'ai demandé un truc et tu n'as rien écouté !
-Ah pardon, désolée.


Elle chassa la vision d'un seul coup mais les saveurs de l'utopie perdurèrent. « Avec joie... C'est si facile de voler... »

***

-Alors, dis moi, tu as rencontré quelqu'un là-bas ?

Le sourire carnassier et les yeux brillants de curiosité, son père la titillait, comme toujours. Il avait cette fâcheuse tendance à vouloir tout savoir sans rien payer. Enfin, presque. Ce soir, il l'invitait au Kong, tout près du Pont Neuf. Le genre d'endroit dont elle raffolait et il en profitait, le bandit.

-Papa, tu ne vas pas recommencer à me saouler avec ça ! Le jour où j'aurai quelqu'un, déjà, c'est pas demain la veille, et tu le sauras quand j'aurai décider de te le dire.

Elle leva les yeux au ciel et lui décocha une œillade caustique, enchaînant sur son taff, histoire de noyer le poisson. Il l'emmerdait avec ça et ça l'énervait grave.

« Vous m'apprendrez ? À voler ? ». La voix éraillée s'imposa encore, furtive, entre le fromage et le dessert. Vade retro Satanas ! C'était quoi ces invasions ?

***

Elle tentait, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inaccessible étoile
.
(J.Brel)


-Mr Alastar Black ? Attendez...Il est...

Elle abrégea :« c'est bon merci ». Elle venait de le voir près de la machine à café du hall, piochant de la monnaie dans sa main. La chose remua à l'intérieur, mais elle l'ignora superbement.

-Expresso ? Long ? Latté ? Avec ou sans sucre ? Un thé ?

Le cling de la pièce tinta joyeusement. Elle se tourna vers lui et sourit sincèrement :

-Je vous invite, ça me fait plaisir.

C'était jouissif de le surprendre.
Obsolète la compagnon de sobriété, périmée la professionnelle. Elle n'était plus qu'une nana comme les autres, parmi des milliards d'autres. Jean et baskets, un long tee-shirt noir, une veste courte en cuir, elle s'était vêtue simplement, sans artifice.
Elle s'offrait une semaine de vacances et avait loué pour l'occasion un penthouse dans un château d'eau rénové, pas loin de Liverpool.
Mais ça, elle ne lui dirait pas. Elle agirait à l'instinct, comme d'habitude.
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyLun 22 Avr 2019, 16:47

Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Seua

Rêve d'étoilé

S'il venait à rêver dans l'abime étoilé
Toucher la voie lactée, funambule argenté
S'il venait à se droguer aux poudres damnées
Nourrir d'azur le regard fêlé, et chanter

"Ô mes si somptueuses créatures ailées,
Mon cœur est galactiquement déconnecté.
Ô je crois plus que vous en l'Âme liberté,
J'ai la féérie céleste en grande amitié."

La ballade exilée du rêveur fatigué
Voilà qu'elle ploie, chagrinée sa félicité,
Ô tombé à ses côtés, il l'a fort aimée.

Solitude révolue, la géante bleue,
Et la géante rouge soufflent des adieux
L'étoilé, qui, drapé dans son linceul d'été
À le souvenir crépusculaire, sacré

S'il venait à rêver dans l'abime étoilé
Ô il quitterait l'Enfer pour mieux s'aimer.

L'Empereur des ombres, tyran sans âme et sans cœur de galaxies, voulut enfin contempler son œuvre maléfique à travers la fenêtre de sa Nuit. Il fut immédiatement transporté par l'horreur de ses maux, par les pleurs de ses lumières, par toutes ces saveurs d'antan qui cette nuit durant n'avaient goût que du Néant. Les murmures des astres firent rageusement désastre.... mais ô Seigneur qu'ils étaient doux. Captifs aux bains de Lune sanglante, malades de son indifférence ; c'était affreusement beau. L’œil meurtri. Plancher douleur. Plafond douleur. Elle avait mal, son Étoile. Son escalier malheur n'eut plus aucune marche à monter. La stagnation des nuées. Il n'y avait rien d'autre à faire ce soir, si ce n'était admirer.

Il voulait se faire pardonner, il voulait l'aider, mais comment faire alors qu'il venait de tomber fou de sa beauté mortifère ? Sa passion demeurait sublime, même en perdition. C'était peut-être ça, l'Enfer des astrophysiciens aussi déchus que Sa Majesté.

✯ ✯ ✯

Un début d'après-midi, il reçut une première lettre. C'était un Samedi. Il la déposa nonchalamment sur sa table de chevet, où elle demeura là, seule et énigmatique, durant des jours entiers, voire des semaines, sans qu'il ne lui porte jamais plus que quelques regards. Il faisait preuve d'un self-control remarquable. Les questions fusaient pourtant avec évidence et intérêt, l'inquiétude avec ça, sans trop savoir pourquoi. Alastar haïssait plus que toute autre chose l'imprévu, et la lettre d'un autre être humain en faisait indéniablement parti. Qui pourrait bien vouloir lui envoyer une lettre ? Absolument personne. Il avait donc sa réponse. À quoi bon prendre la peine de lire une lettre qui ne lui était même pas destinée ? C'était une erreur, point. Sauf.... qu'il n'en avait pas la certitude. Jouer avec le doute stimulait son cerveau calculateur et lui permettait de "penser à autre chose" comme répétaient sans cesse ces pauvres imbéciles d'aide soignants comme des disques rayés. Il avait pensé à elle aussi, évidemment. Mais s'était bien vite ravisé. Elle s'en était, une fois encore, allée. L'abandonnant là, loin derrière elle, plus que ravie de sa vengeance ridicule. Et comment lui en vouloir après l'Enfer qu'il lui avait fait vivre ? Comment lui en vouloir quand les sens, et même l'essence d’exister, rien qu'un petit peu, lui revenaient petit à petit dans cette prison sordide ?

Une matinée, il reçut une deuxième lettre. Pas le même expéditeur. Elle rejoignit rapidement la première. Ce petit jeu ridicule commençait à sérieusement titiller ses nerfs. L'anglais trouva une nouvelle occupation pour mettre de côté cette curiosité maladive qui finirait bien par le bouffer de l'intérieur et lui donner des envies de meurtres sur les occupants de l’hôpital (non pas qu'il n'en avait pas déjà)...... D'un point de vue extérieur, tout ceci devait sans aucun doute sembler affreusement pitoyable. Mais ce qu'il y avait de bien lorsqu'on était un être férocement solitaire et peu aimé des autres (quel euphémisme), c'était bien le fait que personne ne pouvait être au courant même de ses plus stupides secrets, puisque personne n'en avait rien à foutre. Qui serait là pour le juger, si ce n'était son lui intérieur un brin trop cynique, mmh ?

Il pourrait avouer que ce fut grâce à ces deux personnes méconnues qu'il avait retrouvé goût à la recherche.... aussi minime serait cette avancée. Car sans ces deux lettres-là, il n'aurait peut-être pas tout de suite cherché à s'occuper l'esprit sur des choses plus entêtantes encore.

Dans la guerre des drogués nocturnes, il reprenait sa place aux commandes de la plus grande armée stellaire. Comme à l'époque. La belle. La tragique. L'abimée aux notes d'Excellence et d'Innovation. La plume à la main, il entendait légèrement d'une oreille, les rires de la Lune, les pleurs du Soleil. Les calculs ronronnaient dans sa tête, et certain faisaient sens. Sur la feuille quadrillée, on lisait à l'infini brouillon des chiffres et symboles matheux, de physique, par centaines, des mots savants, d'étoiles et d'étrangetés scientifiques ; Albédo, Binaire à éclipse, Centre galactique, Céphéide, et le nom d'une constellation revenait sans cesse... Cassiopeia. Une coïncidence ? Ce serait ce qu'il aimera avec certitude vous faire croire. La vérité ? On ne saurait vous la donner. Pour cela, il lui faudrait émettre une hypothèse assez intéressante, faire une ou plusieurs expériences, et déduire enfin quelque chose de cohérent.... Rien qui ne viendrait de si tôt. Le scientifique était déjà trop occupé.

Concentré et paradoxalement désorienté, il sourit enfin. Sans artifice, sans rien. Pour personne d'autre que lui même. Là, depuis son petit bureau, dans sa chambre ridicule. Tout seul, sans ne plus jamais l'être. Il souriait, simplement.

« Qu'est-ce que tu fais, Alastar ? Pourquoi tu souris ? » L'interpellé ne prit pas la peine de se pencher sur le côté pour faire face au petit garçon intenable qu'il savait se tenir, sans la moindre gêne, debout depuis l’entre-brasure de la porte, un immense sourire malicieux aux lèvres. « Je t'en pose moi, des questions ? » ronchonna l'anglais, sans grande conviction cependant. Le plus petit s'en amusa, l'oeil espiègle : « Ben oui, là tu viens de m'en poser une. » Il tourna enfin son visage vers la silhouette du jeune garçon, un sourcil arqué et un frémissement à peine visible près des lèvres. « T'es un petit malin, toi. » susurra-t-il en plissant les yeux alors que le sale môme s'avançait déjà dans la chambre pour toucher aux quelques instruments que Alastar avait demandé à récupérer il y a peu. « Alooooors, tu fais quoi ? C'est secret ? » Le sourire amusé qu'il tentait de réfréner depuis son entrée vint enfin se faufiler sur ses lèvres. « Non... Tu ne peux pas comprendre. Tu devrais profiter de voir ton frère avec ta maman, il... » ... « Je suis déjà allé le voir, Alas! Mais, là, maman parle avec une dame et ça m'a soulé alors elle m'a laissé venir t'embêter un peu. Bon, si tu veux pas m'expliquer, c'est normal si j'comprends rien! » Les sourcils légèrement froncés, Alastar considéra le garçon quelques secondes, silencieux. Edward était un gamin incroyable, bien qu'effroyablement intenable et exaspérant lorsqu'il s'y mettait à fond. Le reste du temps, il le bluffait et le fascinait. Il était très courageux en plus d'être futé. « Je ne suis pas professeur. » Réponse simpliste. Ce n'était certainement pas avec ça qu'il se débarrasserait du petit cornichon plus intelligent que la moyenne de ses congénères plongé dans leurs bocaux. « C'est même pas vrai! T'es un monsieur scientifique, c'est obligé que t'es un professeur ! » s'était immédiatement indigné Edward en brandissant vers Alastar une longue vue dorée que ce dernier attrapa au vol avant qu'il ne fasse une connerie. « Certes, mais si je suis ici c'est bien parce que j'étais un mauvais professeur, tu crois pas ? » Le blondinet se tut un maigre instant, le nez tout froncé et le regard sombre, réprobateur. « Non. C'est juste que t'avais besoin d'aide, rien à voir. » Il croisa ses bras et regarda la silhouette élancée de son ainé, mécontent. Un long soupir. Alastar reporta toute son attention sur ses travaux... ou du moins essayait-il. « Tu dis n'importe quoi franchement. Des fois je me demande pourquoi t'es mon copain. » L'anglais roula des yeux, exaspéré, et se leva de son assise, las de ses bêtises. Il vint pousser gentiment le petit indésirable vers la porte. « Bon allez, ça suffit maintenant, Edward, j'ai besoin de travailler sérieusement. S'il te plait. » finit-il en captant le regard déçu du petit gars. « D'accord. Mais tu m'apprendras des trucs plus tard, promis ? » Il s'était planté de nouveau au sol, prêt à rester scotché au seuil de sa porte jusqu'à-ce qu'il ait obtenu ce qu'il voulait. A agir de cette façon puérile, il lui rappelait Edgar, lorsqu'il avait faim.

Très bien.
Promis ?
Promis...

✯ ✯ ✯

Quelque peu chamboulé, la tête dans les nuages de l'inattendu, Alastar était descendu s'éclaircir les idées suite au départ de son jeune "ami". Un aide soignant, l'un de ceux les plus agaçants, allait se diriger dans sa direction, un grand sourire crétin sur les lèvres alors, alors il fit immédiatement demi tour à grands pas. Quitte à parcourir tous les couloirs de cette foutue clinique, il préférait encore ça à supporter l'hypocrisie de cet imbécile heureux. Tant pis pour la cafet', il irait se chercher de quoi se désaltérer dans le hall. Il n'avait pas vraiment le choix.

Tout à coup, une voix. La sienne. Il frémit, se sentit presque partir. Oh Lord. Se pouvait-il qu'il se remette à divaguer ? D'elle en plus de Melody, dorénavant ? Gosh, no. Everything, except this nonsense. Il osa basculer sa tête légèrement sur le côté et sa peur se métamorphosa en une sincère surprise. Tant que les mots s’emmêlaient stupidement. Elle était bien . Un instant, il voulut la toucher, l'effleurer, pour en être certain... mais il n'en fit rien et se contenta de la fixer comme s'il s'agissait du plus beau mirage issu du plus somptueux des déserts. « Que faites-vous là ? Je pensais que... je... ça n'a aucune importance. Hello there, dear. » Il finit par la politesse aux tintements purement britanniques, pour l'ironie, pour la blague, pour se sortir le mieux possible de cette angoisse agaçante. « Un thé, merci. » répondit-il à son invitation sans ne pouvoir dévier ses yeux bleus aussi pâles que la déchirure d'une banquise. Il analysa ce qu'il pouvait déduire de l’accoutrement de la rousse. Simplicité et confort. Elle rayonnait de bonheur. Il en eut mal au cœur. « Vous êtes venue vérifier si je respirais encore histoire de me voler ma place, ici bas, c'est ça ? Navré de vous décevoir, mais Lucifer règne toujours en Maitre sur l'Enfer, vous ne pouvez rien y faire. » Avec un amusement certain il arqua un sourcil provocateur en direction de l'aide soignant non loin de l'escalier central, celui même qui avait fini par le retrouver, mais qui ne pouvait plus venir. Pas alors qu'elle se trouvait à ses côtés. Ah Desnuits, vous êtes tellement plus utile que vous ne l'imaginez. Son regard, plus énigmatique que jamais, se reporta sur la française qu'il dévisagea encore un peu, silencieux. « De toute façon, les anges n'ont rien à faire en Enfer. » avait-il soufflé alors qu'il récupérait son thé et se détournait de la demoiselle, l’œil fixé au loin, sur la cour. Il commença à marcher à ses côtés. Il prit le temps de resserrer le bandage qu'on lui avait fait la veille autour de la paume et de reboutonner sa veste légère aux tons pourpre. Évidemment, parfois, il lui fallait se blesser, volontairement.... Il n'avait rien trouver d'autre pour le moment. Même s'il s'occupait de nouveau du ciel, rien ne valait les entailles. Celles-ci libéraient des endorphines, lesquelles apaisaient la douleur. « J'arrive à écrire quelques idées, de nouveau, à penser clairement par instants... c'est... un sentiment étrange. Je ne sais pas trop quoi en penser. Je n'arrive pas bien à analyser tout ça. » Les sourcils froncés, une moue hésitante, presque timide, se dessinait sur son visage avec douceur. Il s'en alla au loin un moment, l'emportant avec lui sans lui demander son avis. Dans les vapes, il parcourra quelques instants son calepin et observait Cassiopée, comme si sa simple vue lui ouvrait les portes à de nouvelles solutions. « Enfin, peu importe. » Il referma brusquement le calepin et l'enfouit dans la poche de son pantalon habillé. Il balaya le précieux moment partagé d'un geste élégant du poignet et plongea ses lèvres dans son thé..... qui n'était évidemment pas à la hauteur de ceux qu'il se préparaient, chez lui, il y a fort longtemps. Ils se retrouvèrent bien vite dehors, une fois encore... là où les souvenirs s'étaient ancrés. Il ne voulait pas retourner sur ce banc. Il ne voulait pas que cette scène se rejoue et, après tout, il n'avait pas de preuve concrète que Cassiopée se tenait réellement à ses côtés. Ce pouvait très bien être un mauvais rêve. De ceux vicieux qu'il faisaient, avant. « Alors, la petite grenouille est retournée joyeusement gambader dans les rues de sa belle ville ? » s'était-il moqué, le regard provocateur. « La ville lumière et la fille lumière, il y a une certaine cohérence, j'imagine. » avait-il haussé les épaules, se voulant nonchalant alors qu'il n'en était rien. « Je paris que vous n'avez pas pu vous empêcher de courir vous occuper de nouvelles âmes abimées à grand cœur perdu. » Ce n'était pas un reproche. Mais il la connaissait, à force, quoi qu'elle en dise. « Ne vous méprenez pas, le bonheur vous va bien au teint, tellement mieux que le chagrin... »
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Cassiopée Desnuits
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyMar 23 Avr 2019, 12:11


Elle était si sûre de son effet, c'était tellement facile pour le coup : la surprise pétilla à travers ses prunelles. Une onde jubilatoire la submergea. L'idéal aurait été de se planquer au tournant d'un couloir ou de sa porte de chambre, prête à bondir, un bouh ! tonitruant aux lèvres. Il aurait sursauté, elle aurait éclaté de rire. « Je vous ai bien eu ! ». Ou mieux encore : armée d'un pistolet à eau, elle aurait tiré à bout portant, s'enfuyant hilare, échappant à sa réaction qu'elle n'aurait voulu ni voir ni entendre.

Elle aurait pu téléphoner pour avoir de ses nouvelles par les infirmières du service, mais elle avait préféré le revoir tel qu'il serait, tel qu'elle le percevrait surtout, à sa façon, sans information médicale particulière, sans filtre. Le besoin de mettre de la distance avait également motivé son choix.
Il était là, tout près. Si près...Brusquement, la chose remua, projetant une marée de joie, de cette joie pure et intense que rien ne pourrait ternir. La puissance du sentiment d'allégresse lui donna des ailes, de la légèreté. Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, elle se laisserait emporter par une ivresse d'euphorie.

-Comment ça, ce que je fais là ? Bah, je vous offre un café ou ce que vous voulez, simple, non ?

Elle lui jeta un œil amusé puis appuya sur la touche « Tea », inlassée de savourer son étonnement. Puis s'abîma quelques secondes dans la contemplation sonore du glop du gobelet qui surgissait. Elle sentit son attention sur elle et par réflexe, dévia l'infime trouble qui la chatouilla.
Ô inconscience...Reste là son bouclier, protège-la de ce qu'elle ne veut pas. Elle le regarda franchement puis se pencha avec dérision sur ses baskets :

-La couleur vous déplaît ? Framboise, j'aime bien, ça pète un peu de couleur dans le gris du jour. Comme votre veste, tiens, qui est ...waouh. Elle coupa net une spontanéité qui allait, comme toujours, lui jouer des tours. De fait, le temps se traînait sans soleil ni lumière, entrecoupé par de fortes averses.
Elle soupira, les yeux au ciel :

-Oooh vous êtes impayable ! Non, je ne suis pas là pour vérifier ou vous voler je ne sais quoi, voyons ! Je suis juste venue vous voir parce que j'en avais envie, parce que je tiendrai ma promesse même si ça vous emmerde, et je m'en fous si c'est le cas, ce qui est certain d'ailleurs mais c'est pas grave, et oui, je sais qui vous êtes, Majesté, s'inclina-t-elle, les bras en suspension, théâtrale à l'excès, effectuant une révérence de circonstance, et je ne suis pas déçue et je ne ferai...Aaah, je manque d'air !...rien contre !

Elle reprit son souffle, à bout d'oxygène et pouffa :

-Atchoum ! Quelle tirade !
-Tenez. Attention, c'est bouillant.

Et pirouetta à ses affirmations :

-Oui, c'est certain. Je note que vous avez étudié la Bible. Un sujet dont nous pourrons débattre un de ces quatre, si ça vous dit.

Elle se mordit la langue pour ne pas rire alors qu'elle pianotait de nouveau sur la machine pour son café.
Ils se mirent à marcher l'un à côté de l'autre, elle, réservée, l'observant en coin. Qu'était-ce donc ce bandage ?

-Vous vous êtes coupé ? demanda-t-elle, gentiment curieuse.

Elle se réjouit en cachette, alors qu'il boutonnait sa veste, témoin discrète d'un de ces gestes coquets qu'il affectionnait.
Il parla. Elle l'écouta sans rien dire, la vision nonchalante, balayant sans les voir les gens qui se croisaient dans le hall. Elle semblait ailleurs, détachée, presque indifférente. Mais c'était tout l'inverse. Tout de lui, s'imprégnait en elle comme les hiéroglyphes dans la pierre. Et l'histoire éternelle, l'éternelle romance, ne retiendrait que l'essentiel de l'ambroisie des dieux.
« Si vous saviez comme je suis heureuse que vous vous retrouviez. Vous allez y parvenir, vous verrez. Vous allez réussir... ». D'autres mots, qu'elle seule pouvaient entendre, prièrent sans bruit, exhalant une affection sage et mutique. Ils se posèrent, bien secrets, au bord de son cœur.
Elle ne remarqua pas l'expression de douceur qui traversa son visage et ne sut que lui sourire lorsqu'il ferma son carnet. Ce charme qui se dégageait de chacun de ses gestes... Ça te brûlera Cassiopée, mais tu ne le sais pas encore.
Elle s'appliquait à suivre son rythme de marche, coite tout à coup, envahie par une sensation de malaise. Heureusement, ils se retrouvèrent à l'extérieur et elle soupira en silence, soulagée. Et c'est lui qui, de nouveau, engagea la conversation. Elle faillit lui répondre du tac au tac mais l'accent de sincérité dont il fit preuve à la fin retint son impulsion. Les mains dans les poches, elle fit quelques pas, hésitante malgré tout à être authentique. Il l'avait tant raillée.

-Pensez donc, c'est l'air pur parisien et une couche épaisse de fond de teint.

C'était un grossier trait d'humour, tant pis ! Après tout, de quoi avait-elle peur ? Elle était libre, elle, parfaitement libre et ne lui devait rien, absolument rien. Étrangement, une tristesse fugace lui secoua les tripes, chassant l'arme de l'ironie aussi vite qu'elle était apparue.

-Eh bien oui c'est vrai, je ne peux pas m'en empêcher, et alors quoi ? C'est mon truc, je n'y peux rien.Ça disparaitra peut-être un jour mais pour le moment c'est comme ça et je fais avec. Et c'est pire que ça même : ça m'éclate. Et non, je ne cours pas. Je m'assois et je prends le temps, un certain temps, à les regarder en face, ces âmes comme vous dites...« A grand cœur perdu... » , comme vous y allez...alors que vous ne savez rien, ajouta-t-elle en haussant les épaules.
-Je suis là pour eux comme je peux parce qu'ils vont mourir. Ils donneraient tout ce qu'ils possèdent pour être là, à votre place, à la mienne, vous savez.

Des gouttes de pluie se mirent à tomber mais elle n'y prêta aucune attention.

-Et vous, comment allez-vous ?

Elle aurait tant aimé qu'il abaisse sa garde, si peu, juste un peu. Il avait meilleure mine indéniablement, c'était déjà énorme.

« As-tu jamais pleuré Mélody, Alastar ? Chialé à en perdre les larmes ? Sangloté à en perdre la vue ? Je connais ces chagrins là, ceux qui laissent sans vie, sans force, sans espoir. Si seulement tu lâchais...une bonne fois pour toutes... »

Et l'image s'imposa d'elle-même sans qu'elle la cherchât de quelque manière que ce soit. Foutue rêveuse.

Il craquait. Le corps tressautant, il s'affaissait à terre, laminé par l'atrocité de son désespoir qui s'épuisait dans d'effroyables sanglots. A genoux, le supplice s'évacuait enfin. Une décennie de crucifixion se déversait dans des gouttelettes salées. L'infime au service du sublime. La fragilité transcendée en force. Le cauchemar métamorphosé en souvenir. L'angoisse tranchée sur la guillotine du courage de vivre.
Il hurlait son épouse. Son enfant. Et la vermine infernale de la souffrance s'étouffait à l'instant même où elle crevait hors de lui. Une larme pouvait bâtir un empire : laisse toi aller Alastar, laisse toi aller à revivre...Elle se vit l'enlaçant contre elle, n'offrant qu'une infinie douceur, l'enveloppant de toute la protection dont elle était capable.


Si seulement...

Mais la réalité la rattrapait sans cesse.
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Alastar Black
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptySam 11 Mai 2019, 19:38

Kodaline - High Hopes

Les enveloppes trônaient là, encore. Elle étaient ouvertes. Il avait fini par craquer. Il finissait toujours par craquer. Jake et Thomas. Voilà les deux hommes qui avaient judicieusement choisi l'épistolaire pour raviver la flamme dans cette âme de génie en perdition; celle de leur ex compagnon d'étoiles. Un succès qu'Alastar n'était pas prêt à leur concéder. Pour preuve, il ne leur répondit pas. Du moins pas immédiatement. Mais il finit par craquer. Encore. Il finissait toujours par craquer. Alors il replongea corps et âme dans son infini dévolu. Il se souvint enfin qu'elle était là, sa véritable drogue, depuis tout ce temps, il ne l'avait vu que comme une très vieille amie. Elle était bien plus que cela. Cette passion, fut un temps où il ne vivait que pour elle. Bien avant Melody, bien avant le Professeur Orion, bien avant le départ du géniteur tyrannique. Bien avant que toute son existence ne s'éclipse en un échec risible à crever; ils étaient beaux, tous les deux, le ciel et ses yeux. Rien ne surpasserait jamais ces nuits passées à bosser d'arrache pied pour ne serait-ce que prouver l’exactitude d'une infime et ridicule avancée. La joie qui parcourait son échine lorsque enfin, un résultat daignait se montrer positif. Les nuits passées à rêver loin de l’oreiller, bien plus loin, bien plus haut que tout. C'était là l'extase. C'était là, dans l'Ailleurs, qu'il vivait vraiment, pleinement. Alastar savait que plus jamais il ne reviendrait à ces années où l'innocence et l'émerveillement se réchauffaient timidement entre les bras de la voûte céleste. Tout ceci était terminé. Et même si le petit garçon des étoiles vivait encore là, quelque part, dans son âme, caché pour l'éternité, il ne reviendrait pas. Pas totalement. Sa présence serait plus subtile. Par quelque touches, par quelques sourires, par quelques regards sur l'azur. C'était à lui de réchauffer son futur lui; très amoché mais le cœur ouvert à l'espoir, le petit, le ridicule. Alors enfin, Alastar se laissa aller dans ses petits bras fantômes.

Le scientifique avait cette affreuse frayeur sardoniquement ironique. L'inconnu. Il le cherchait constamment. Partout. Tout le temps. Dans ses bouquins, dans ses astres, dans ses expériences foireuses, même dans les yeux rieurs de Melody, avant, il...... Il lui trouvait rapidement un nom, une composition, une raison d'exister, une utilité. Mais il ne le laissait pas l'approcher sans penser à ces moindres analyses-là au préalable. Il n'y arrivait pas. Il le haïssait. Pour ce qu'il était, pour ce qu'il lui faisait ressentir. Il le rejetait. Pour ne pas avoir à se montrer courageux, pour ne pas avoir à l'affronter ; ou à finir par l'apprécier sans raison valable, sans preuve concrète qu'il ne lui ferait jamais... aucun mal. Lorsque Cassiopée Desnuits se présenta à lui par surprise, il ne put décemment croire qu'elle était là. Car cela ne s'expliquait pas. Pourtant, il fallut bien le reconnaître. Il fallut bien se montrer honnête. Elle était là. Devant lui. Elle était là et tout semblait si naturel, si étrange. « Je ne pensais pas avoir un jour la chance de vous entendre prononcer le mot "simple". » s'entendit-il lui dire avec une légère pointe d'amusement dans la voix. Ce qu'elle était, du moins ce qu'elle représentait à ses yeux, ce qu'elle faisait, tout ce qu'elle avait dit, tout ce qu'elle disait ou tout ce qu'elle dirait..... Quel sens pouvait bien avoir tel mot pour une jeune femme aussi complexe ? Tout à coup, il sentit sa gêne, celle même qu'elle cachait si mal et se rendit compte, avec un train de retard comme bien souvent; qu'il la fixait peut-être un peu trop intensément.... Un courant d'air floral, une spontanéité joviale. Son coeur se serra et il l'observa, encore, sans rien dire, impuissant. Il se força malgré tout à rouvrir les yeux, à retrouver les pieds sur terre; il le fallait. Ainsi, il porta un regard au sol pour à peine effleurer le rosé des baskets de Cassiopée, un peu perdu. Que cherchait-elle à exprimer ? « Je n'ai rien d'un critique de mode, vous savez... mais je dirais que c'est un choix... audacieux ? » Il ne releva pas son commentaire sur sa veste, mais lui porta un coup d’œil rapide et intrigué bien malgré lui. « Bienvenue en Angleterre, mademoiselle Desnuits. » Il ouvrit légèrement les bras, comme pour l'accueillir dans ce monde mélancolique et humide. Lui, l'adorait, sa pluie. Son temps gris. Il était reposant. Bien plus que la lourdeur affreusement hypocrite du soleil de LA. Il avait besoin de la tranquillité morose de son Angleterre. Sans grande surprise, il avait, une énième fois, touché là où il fallait pour que le zébulon français reparte telle une fusée. Un léger rire. Ce son qu'il n'avait lui même entendu depuis si longtemps, perça les chants de l'Enfer de Lucifer que défendait l'ange roux pour la rejoindre dans ses propres gloussements ridicules. Le bleu lagon pétillant tout doucement dans ses quelques reflets, Alastar demanda : « Ça y est ? Vous avez terminé ? » Il arqua un sourcil, le ton se voulait odieusement supérieur, professoral, mais il était impossible d'ignorer l'amusement qui le transperçait. « Vous filez comme ça au quart de tour avec tout le monde ou c'est un super pouvoir que je suis seul à détenir ? Je sais que je ne devrais pas trop en abuser, mais si vous pouviez vous voir comme je vous vois, maintenant, vous comprendriez à quel point c'est jouissif ! » Elle tombait dans le panneau à chaque fois. L'objectif était différent cependant. Les choses changeaient. Il n'avait plus l'intention de la rabaisser d'aucune manière que ce soit. Il se moquait tout "simplement" d'elle..... gentiment. Il n'avait plus rien à prouver. Ils n'avaient plus de lien contractuel particulier. Ils n'étaient plus rien l'un pour l'autre..... Vraiment ?

Il se renferma sur lui même durant un court instant, presque imperceptiblement, à l'idée de débattre de nouveau avec elle, un jour, plus tard. Non. Il ne savait pas lui parler de quoi que ce soit sans la blesser. C'était un fait prouvé et approuvé à maintes reprises. Il était temps d'établir des conclusions et d'adapter son approche en conséquence. Il en avait suffisamment fait. Il assumerait, il se montrerait raisonnable. C'était peu. Ce ne serait jamais assez. Mais il n'était pas capable de bien plus pour le moment. « Sans façon. Ne le prenez pas mal, mais vous et moi, nous sommes incapables de débattre de quoi que ce soit ensemble sans que ça ne se termine forcément en bain de sang, bien souvent par ma faute, allez savoir pourquoi. Ça doit être dans nos gênes, la mésentente cordiale et évidente. » avait-il terminé sur une touche d'humour, pour se redonner de la contenance. Il était hors de question que tout recommence. Il avait mêlé son sang au sien lorsqu'il l'avait faite saigner. Plus aucune rivière pourpre ne devait couler. Pas maintenant qu'il se reprenait, qu'il reprenait goût à ses recherches, à quelque chose de concret, qu'il se montrait ne serait-ce qu'un peu cordial et supportable avec qui le méritait. Cette conversation, ce moment, tout ça, c'était un test. Le scientifique devenait sa propre expérience. Il espérait tant qu'elle ne résulte pas en un terrible échec, ou il aurait peur du diagnostique qu'il devrait en témoigner.

Ils marchèrent un peu et Alastar sembla reprendre enfin son souffle. Une simple question. Instinctivement, il vint frotter sa blessure et rajuster sa chemise pour la recouvrir davantage. « En effet. Ce n'est rien. » la rassura-t-il. Mais peut-être bien qu'il voulait se rassurer lui même. Enfin. Il s'ouvrit un peu. Si peu. Mais c'était déjà tellement pour lui. Elle ne pouvait pas venir comme ça et lui en demander plus. Elle n'avait pas le droit. Elle savait mieux que lui qu'il en était tout bonnement incapable. Il l'observa encore longuement, sans aucune gêne. Elle se tenait là, à ses côtés. Les mains dans les poches, le regard légèrement fuyant, étrangement différent, les gestes maladroits, l'humour véhément. Il se prenait la vérité de plein fouet. Elle ne voulait pas être là. Pourquoi cette évidence lui faisait si mal ? Il n'y avait rien de plus normal. À quoi aurait-il pu s'attendre d'autre ? C'était à son tour de ne pas avoir le droit. Non, il ne pouvait décemment pas lui demander de supporter sa présence quand lui même avait souffert toutes ces années à ne pas se terminer en une toute dernière injection mortifère. Il lui en avait tant fait vivre. Tant que ça n'avait plus rien de ressemblant à la Vie. Il ne pouvait pas se montrer si arrogant, si égocentrique. Il se sentit suffoquer tout à coup alors qu'il voyait bien qu'il était celui qui la privait d'air pur. « Cassiopée, écoutez, je......... » suis désolé... ? Était-ce aussi simple que ça, réellement ? Il se sentit si stupide, incapable de trouver le moindre mot, car il n'y en avait pas. Oui, le grand, le puissant, Lucifer en personne se sentait atrocement stupide. Riez tant que vous le voudrez, il ne l'admettra pas à haute voix. Il voulut brusquement qu'elle le regarde, qu'elle cesse de le fuir; il avait mal. Sa main blessée s'était accrochée au bras de la jeune française comme à une bouée. « Baissez votre garde un instant, accordez moi quelques maigres minutes... s'il vous plait. Je sais que je ne les mérite pas mais... Essayez, juste pour voir, de délaisser ce bouclier insoutenable sur le côté. Je ne vais pas vous manger, promis. Quant à moi, et bien, je n'en sais rien, dites moi, que voulez-vous que je fasse ? » Il était prêt à tout, ou presque tout. Il se rendit compte du geste familier inapproprié. Si tard. Agacé contre lui même, il marmonna : « Je pense que je vais déjà commencer par vous lâcher.... » et joignit enfin ses mots à ses gestes dans un soupir.

Lorsqu'il la titilla de nouveau, il ne manqua pas d'entendre des surprises. Oh, il n'avait pas voulu insinuer quoi que ce soit, il plaisantait... mais il était tout à fait normal qu'elle réagisse ainsi. Sa réponse eut au moins du bon : il était maintenant certain qu'elle était heureuse, de retour chez elle, qu'elle faisait ce qui lui plaisait et c'était tout ce qui comptait. « Je sais parfaitement que je ne sais rien, c'est là toute mon arrogance. Mais vous savez aussi bien que moi que ça ne m'empêche certainement pas d'agir comme si c'était le cas. Ça m'amuse beaucoup de vous embêter comme je le fais, toute méchanceté mise de côté. Ça ne se voit pas... je sais bien, mais vous pouvez me croire. » Il était vrai qu'il ne s’esclaffait pas aussi simplement qu'elle, il était plus réservé, et sans doute aussi moins français. Mais il avait simplement voulu plaisanter. Réellement. « Je suis ravi de savoir que vous vous portez comme un charme là-bas, auprès de ceux qui ont besoin de vous. » admit-il sincèrement en hochant la tête avec élégance. « Il pleut. » ajouta-t-il tout à coup, bêtement, alors que ses cheveux se mouillaient et bouclaient légèrement à vue d’œil. Aucun d'eux n'avait le nécessaire pour se protéger de la pluie alors, action réaction, Alastar la guida vers un gros chêne feuillu sous lequel ils pourraient camper un peu.
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Cassiopée Desnuits
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
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So Close so Far...

-Ah? Et pourquoi ça ? Je ne suis pas compliquée pourtant !

Elle s'amusa de ce qu'il croyait savoir sur elle, bénissant la victoire d'une diversion somme toute aisée. Bien que la surprise subie le dédouanait de l'insistance de son regard, elle se sentit soulagée qu'il portât son attention ailleurs.
L'expression malicieuse, elle marmonna un «tsss » à sa bienvenue. Et ô stupéfaction, il s'égaya de sa bêtise! Très peu bien sûr, mais cela suffit à l'inonder d'une autre joie qui l'enfiévra toute entière. Elle ne douta plus qu'il allât mieux. Quelque chose s'était produit au-delà de ses espérances, au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer. Elle ne rêverait plus à un patient en phase de guérison, à un être humain sur le chemin de la Rédemption. Non...La réalité supplantait les songes, et se tenait là, humble,discrète, fredonnant la revanche de la Vie. N'avait-il pas ri ! C'était une première, un éclat de lumière perçant les Ténèbres, enfin ! Peut-être était-ce fragile, peut-être cela ne perdurerait pas, mais au moins une fois, juste cette fois, il témoignait d'une modeste gaieté. Durant quelques instants, Cassiopée fut intimement heureuse.

-Peut-être les deux, allez savoir...C'est vous le savant, pas moi.
Le temps d'une boutade, ils se rejoignaient soudain, complices guillerets savourant le plaisir de ne pas se prendre au sérieux.
-Et comment je suis donc... ? Dites moi ? Ça m'intéresse ! Jouissif ? A ce point-là ? Ben dites donc !
Elle éclata de rire, se raillant, bidonnée de tout, de rien, d'être là à ses côtés, de le revoir en meilleure santé, de le savoir sauvé désormais. La certitude l'envahissait, prenant le pouvoir. Elle n'eut, subito, qu'une envie la française: sauter de joie, crier youpi !, embrasser tout le monde, l'embrasser, chanter à tue-tête, tournoyer, là, au milieu de ce hall sans âme...Et le pire survint, crapahutant sur la frustration de ne pas pouvoir lâcher l'exultation. Ce pire qu'elle redoutait dans des situations qui exigeaient le plus grand sérieux. Ses nerfs s'emmêlèrent dans une liesse intense et...un terrible fou rire s'annonça avec fracas. Elle le sentit, là, tapi dans ses entrailles. Il se réveilla prestement, s'étira, se détendit, se leva. Il entama sa marche immuable, se fraya un chemin jusqu'à sa bouche, ses lèvres et...Pop, éclata comme une bulle de savon! Pauvre créature enlacée dans ses griffes indomptables. Une cascade de soubresauts lui fit trembler les épaules, enserra son estomac, enlaça sa gorge. Elle devint flamboyante, des vagues de sel bordèrent ses iris, elle riait, riait à en mourir. Les larmes joyeuses s'épanchaient sur ses joues. Damnation!
-Je...je suis...désolée...Pardonnez-moi...je suis crevée, la fatigue me perd.
C'était la vérité, elle n'en pouvait plus de fait et les quelques jours qu'elle avait posés n'étaient pas du luxe. Ça, c'était la partie émergée qu'elle pouvait livrer sans pudeur. L'autre, la recluse, celle qui dégageait de l'émotion intempestive et déstabilisante, elle la camouflait avec soin. Merde ! Que lui arrivait-il ? Elle verrait ça plus tard, ce n'était guère le moment de s'introspecter ! Et elle se sentit conne au possible, une fois de plus, comme d'habitude, avec lui. Elle finit par se tapoter les yeux, calmée.
« Bordel » s'échappa d'entre ses dents, avant qu'elle ne se reprenne : "Ça ne se reproduira plus", promit-elle dans un gros soupir.
Elle disait ce qui lui passait par la tête, tant pis. Rien ne pourrait déloger l'effervescence d'être qu'elle ressentait : tous ces mois passés à tenter de l'aider, ces mains tendues qu'il avait superbement refusées, tout ça...Tout ça avait valu la peine en fin de compte. Il y avait toujours un prix à payer à lutter contre la Mort. La résurrection d'Alastar Black contre des humiliations. Un sourire contre son dédain. Une insouciance contre de la dureté. Elle ne savait pas si elle réitérerait l'expérience mais un manifeste s'affirmait : elle ne regrettait absolument rien et si c'était à refaire, signerait d'emblée. N'incarnait-il pas la preuve vivante que tout pouvait arriver ? Être capable de lâcher prise se révélait une force pleine d'inattendus. Elle n'oublierait pas cette leçon magistrale.

-On doit avoir des ancêtres vampires, blagua-t-elle. Et il n'y a pas de faute comme vous dites, la drogue déforme tout... Quand vous vous serez retrouvé complètement, vous verrez...
Elle était bien loin d'imaginer ce que l'avenir lui offrirait, ou plutôt, ce que lui, s'offrirait comme avenir. Sa profession représentait un atout fantastique. Elle n'était plus inquiète pour lui. Une aube nouvelle se levait, qui lui appartenait, à lui, et à personne d'autre.

-Mésentente cordiale...C'est joli comme expression.

Et triste de constater qu'il avait raison, quel gâchis. Il possédait et usait de ce chic incontestable qui la ramenait toujours face aux cacas de l'existence. Foutu esprit d'analyse !
Le nez plongé dans le gobelet, elle déplora son réalisme, grimaçant au goût âcre d'un café de piètre qualité qu'elle jeta à la première poubelle venue. Que faisait-elle ici à la fin, avec cet inconnu qui n'en était pas tout à fait un et qui ne lui avait  pas apporté grand'chose de positif ? Oh si bien sûr... L'acide de ses paroles qui l'avait atteinte quelquefois, lui avait permis de découvrir des strates profondes d'elle-même qu'elle n'aurait peut-être jamais explorées. Elle s'était ainsi enrichie de certaines limites à la fois professionnelles et personnelles. Ça, c'était un trésor dans lequel elle pourrait puiser sans fin désormais.
Et ce quotidien qu'ils avaient partagé durant tout ce temps lent et rapide à la fois lui donnait l'impression de s'être déroulé à l'époque des dinosaures. Pourtant, seules quelques semaines s'étaient éteintes entre eux, chacun vaquant à ses petites affaires. Ouais, qu'est-ce qu'elle foutait là ? La question s'imposa à son esprit comme un flash, déchirant lentement la brume d'une lucidité ensommeillée alors qu'ils marchaient l'un à côté de l'autre. Mais elle n'eut pas la liberté de s'y attarder car tout à coup, sa main enserra son bras. Ahurie, elle sursauta, tournant brusquement la tête vers lui. Que se passait-il ? Rien ne l'avait préparé à ça ! Elle était venue convaincue de son fait : Il allait la railler, épidermique et dépressif à souhait, se roulant dans son chagrin avec bonheur, ce qui était loin d'être contradictoire. Il en avait tellement passionné l'adrénaline si spécifique et particulière. Le sniff des larmes qui pourrissaient à l'intérieur, la dope d'un deuil éternel, le shoot de l'Inespoir. L'orgasme de la noirceur, cette tentation diabolique à laquelle il avait succombé. Elle était si assurée la rouquine, de le retrouver encore là-dedans, noyé dans ses cauchemars d'outre tombe. L'absolution maudite de la Vie. Une perfection d'intouchable. L'Homme inatteignable. La fleur au fusil, elle s'en était allée à sa rencontre, comme l'on va se balader dans une contrée que l'on croit connaître par cœur. Elle savait si bien où poser chacun de ses pas, rodée à une routine inébranlable. Mais voilà : sans crier gare, il détruisait ce chaos ordonné et familier. Il réussissait là où elle s'échouait avec détermination : n'avait-elle pas fini par comprendre et admettre qu'elle ne pouvait l'aider sans son accord volontaire et libre ? Saloperie de mots ! Trois mots frêles abattant un mur de béton forgé sur un océan d'indifférence imperméable. Belle revanche l'anglais ! Satané bonhomme !
Et ses paroles tuèrent dans l’œuf le rempart qui la protégeait, inconsciemment, de la chose .
Prise au dépourvu, ses yeux s'écarquillèrent d'incrédulité, se brisèrent sur les siens, tentant de comprendre la crise de démence dont il était victime, cela ne pouvait pas être autrement. A son contact, elle se raidit, droite comme les I de l'Impossible et de l'Imprévu qui se penchaient tout à coup sur une pauvre fille désemparée, interloquée.

Bouleversée.

Elle se détourna trop rapidement, les prunelles louvoyant en aveugle sur l'entourage. Pourquoi cette boule dans le ventre ? Pourquoi cette mâchoire serrée ? Quid de cette extrême sensibilité à son égard, qui lui foutait les foies? Qu'elle refusait, d'instinct ? Elle avait bataillé comme une malade, quelle ironie, pour le sortir de son enfermement et voilà qu'à l'instant même où il s'entrouvrait un peu, à l'instant même où ses espoirs se dépliaient tout doucement, elle le supportait si mal, tellement mal. Mais pourquoi? Pourquoi?! Et lorsqu'en plus, il dévoila au grand jour ce qu'elle s'imaginait planquer avec brio : une putain de carapace qu'elle maniait de main de maître, elle se crut sur la planète Mars. C'était surréaliste, presque insultant. Sous ses airs qui n'en étaient pas, là-bas, à Santa Monica, il l'avait donc débusquée, malin et fin comme un renard, malgré la coke. Une patate chaude dont elle ne sut que faire, si ce n'est le repousser dans ses retranchements.
-Baissez ma garde...C'est à dire ? Que voulez-vous dire: « ce bouclier insoutenable?».
Et ne put s'empêcher de botter en touche, paniquant une fraction de seconde. « Mais de quoi parlez-vous ? »
Puis se tut, le temps de plonger dans une sincérité qu'elle ne contrôlait pas.
-Si je comprends bien...Vous me demandez de vous faire confiance ? Mais je n'ai jamais cessé de le faire, précisa t-elle.

«..quelques maigres minutes... » Il fallait oser le balancer. A sa décharge, il avait été incapable de se rendre compte, trop bouffé par la came: elle lui avait consacré beaucoup, bien plus que du temps, bien plus qu'il ne le réaliserait jamais, mais elle s'en foutait, l'essentiel étant ailleurs. Elle avait quitté son confort, prenant à bras le corps les risques de l'Inconnu et de l'inexpérience, s'était donnée sans compter pour le tirer de cet enfer de poison, lui avait sauvé la vie... Elle ravala le souvenir nauséabond de ce moment où il avait usé de sa force pour l'épingler au mur...Et tant d'autres qu'il ignorerait.
Elle respira un grand coup, chassant les volutes sombres d'un passé qui s'effaçait petit à petit. Elle emporterait avec elle ces secrets et leurs murmures confidentiels.

-Je ne suis pas là par hasard, ni pour des miettes. Vous le savez très bien. Je vais toujours au bout de ce que je commence. Et j'aime dire au-revoir proprement, pas comme ça s'est passé sur le pas de votre porte, chez vous. Je voulais m'assurer que vous alliez mieux également. Et puis, que voulez-vous...
Elle haussa les épaules, fataliste :
-J'aime les gens et je...j'ai une fibre féroce pour ceux qui sont cassés. Y'a rien à comprendre.
Et poursuivit d'un ton bienveillant:
-Vous ne mériteriez pas quoi? Qui êtes-vous pour juger du mérite de ceci ou cela ? On est tous dans la même galère, on fait ce qu'on peut, vous... moi, eux, tout le monde, c'est pareil. Vous avez fait comme vous avez pu, et vous continuerez ainsi. Et c'est bien comme ça.
-Ce que je veux... ?

Une bouffée de sentiment jaillit, fulgurante, ingouvernable, qu'elle ne reconnut pas. Se tournant alors de nouveau vers lui sans chercher à se dégager de sa prise, elle stoppa leur marche. Le regard impulsif d'inconscience, empli de la chose , la réponse fusa :
-Je ne veux rien, je souhaite: mais... que vous soyez heureux, simplement.
Une telle évidence, comment pouvait-il l'ignorer? Elle lui sourit, rayonnante. C'était d'une limpidité si naturelle.
Il la lâcha et une impression de vide, fugace, la piqua. Mais elle conserva son enthousiasme et la brise fraîche s'effleura sur leurs visages. Sur un coup de vent, elle s'amusa en silence d'une mèche folle de ses cheveux longs qui se mêla aux siens. Les contradictions Alastariennes: un scientifique pur et dur qui se laissait pousser la tignasse jusqu'au milieu du dos, digne d'un bobo caricatural. Sacré Black !
Elle crut qu'il s'arrêterait de parler mais il l'étonna encore.
-Non, je ne le sais pas. Comment pourrais-je le savoir ? Je ne suis pas dans votre tête. Je n'ai rien vu de tout ça...Vous avez une telle...une telle intelligence qui me dépasse. Vous êtes un chercheur, moi, je ne vous arrive pas à la cheville, et je...je ne sais pas faire comme si je savais. Mais je veux bien vous croire. Le monde a besoin de gens comme vous et de gens comme moi, c'est un équilibre dans le déséquilibre qui se fait tout seul, ajouta-t-elle mi-figue mi-raisin. Et si ça vous amuse, ben faites vous plaisir, j'ai le dos large, et à partir de maintenant, je mettrai mes lunettes à vision « SM », Sans Méchanceté, plaisanta t-elle.
Elle referma ses doigts et les positionna sur ses yeux, dodelinant de gauche à droite, s'esclaffant de le découvrir à travers une paire de binocles improvisées.
-Hey Alastar ! La laine vous pousse partout ! Vous frisez comme un agneau !
L'averse devint plus forte, et alors qu'elle pouffait encore, il l'entraîna à se mettre à l'abri sous un arbre. Il était temps car bientôt, le ciel s'effondrait en larmes, libérant des trombes d'eau. Des milliards de gouttelettes rebondissaient sur le chemin. Des couleurs argentées s'éparpillaient dans l'air trempé et les branches se dandinaient au rythme des rafales. Le tonnerre gronda et les éclairs commencèrent leur course folle. Ils se trouvaient au beau milieu d'une tempête.
-Vous aimez l'orage ? demanda t-elle tout à trac, élevant la voix pour contrer le bruit assourdissant de la pluie et des boums célestes.
-J'adore ça ! Ça me rappelle... Un orage d'été, dans la pampa. J'étais pieds nus et j'ai dansé sous la pluie au bord d'un lac. J'étais imbibée jusqu'à la moelle mais c'était tellement bon ! Vous n'avez jamais dansé sous la pluie ? C'est génial ! Essayez un jour ! Mais ici, c'est un pays de pingouins, il fait trop froid, brrr !

Elle ferma sa veste, transie.
-Mais dites donc Monsieur l'astrophysicien, au fait: comment allez-vous ? Vous n'allez pas vous en tirer sans me répondre, mmh ?!
Elle agita l'index avec une autorité de potache puis souffla dans ses paumes glacées, essayant de les réchauffer. Et le scruta, l’œil espiègle.
La situation n'avait rien d'agréable, loin de là : ils étaient coincés à attendre que ce déluge s'apaise un peu et Cassiopée claquait des dents, trop légèrement vêtue, grelottante comme une damnée et pourtant...

Pour rien au monde, elle n'aurait voulu se trouver à un autre endroit.
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptyDim 23 Juin 2019, 19:22

« C'est ce que vous croyez. » Alors que lui, savait. De toute évidence, il savait. L’œil du savant brillait, brillait et pensait, pour deux, pour trois, pour mille, et rien, non rien n'échappait à sa considération pénétrante teintée de bleu malice. Il s'amusait de bon cœur avec la française, et non plus de la française. Elle riait, et, non, ne pleurait. La sincérité d'un esclaffement inattendu à l'orage d'un passé infernal. La distance, elle, les séparaient toujours à grandes enjambées. C'était elle qui l'imposait. C'était nouveau. Tous ces détails qu'il énumérait dans sa tête, tous ces faits qu'il voulait déjà comprendre et expliquer à la virgule près. Le verdict du scientifique était clair. Non, Cassiopée Desnuits, vous n'êtes pas compliquée, mais c'est ce que je fais de vous qui complique tout. Il se reprit à la fixer, du coin de l’œil cette fois-ci, tandis qu'elle perdait le contrôle sur son Soleil de cœur. Les mystères des cités noires s'échouaient là, jamais loin des éclats. Son regard se figeait, indéchiffrable d'étoiles, dans les abysses Cassiopée Desnuits, et non plus quelconques abîmes. Et ses rires le prirent par surprise. Encore. Au gré de l'océane mélodie de sa voix et de la vie, une fraction de seconde seulement; il crut l'entendre et la voir, maintenant. Le fantôme qu'il ne pourrait oublier. Jamais. Son cœur manqua un battement, et ses yeux, de percevoir le firmament. Frappé par les mauvais tours joués par ses neurones qui se devaient toujours être déconnectés, Alastar s'entendit murmurer, la voix rauque : « Ne vous excusez surtout pas. Vous êtes........ » L'hésitation. Le doute. La déstabilisation. Qui prenaient à la gorge. Et qui laissaient, tout amoureusement, les rayons s'éprendre du masque de glace. Un instant. Trop longtemps. « vous même. »

La conversation prenait un tournant embarrassant, frustrant. Coupable d'être lui, Alastar décida que la fuite était la plus sage décision à prendre afin de laisser leurs deux âmes se reposer en paix, loin l'une de l'autre. Nul besoin de tergiverser davantage, les expériences furent assez nombreuses pour qu'il en arrive à ce constat immuable en ce jour gris : ils ne seraient jamais d'accord l'un avec l'autre. Elle était amoureuse de l'Être humain, lui ne le serait jamais, cette barrière régissait tous leurs combats. Et ça, ni la drogue, ni la perte des siens n'y étaient pour quelque chose. Il ne croyait qu'en la Science et n'avait pas même foi en lui même. Il était comme ça. N'avait pas changé. Ne changerait pas. Les débats ne leur réussissaient pas. Et même si, maintenant, les choses avaient évolué entre eux, même si, maintenant, les choses évolueraient pour lui. Ça n'avait aucune espèce d'importance. Il était Alastar Black, cet astrophysicien compliqué à cerner qui fascinait, impressionnait et aspirait, encore, jusqu'à ce que la mort l'invite dans une dernière danse; gamin aux étoiles endormi en son fort intérieur, à quitter la Terre, qu'il n'avait jamais vu comme sa maison.

Il n'était pas d'accord avec la rousse -no way??- et ses encouragements qu'il jugeait ne pas pouvoir mériter décemment. Il sentait la fureur de ses propres limites l'entenailler. Et sa colère, qu'il se destinait à lui, et lui seul, se mêla à ses certitudes. Il était certain de ses choix. Douloureux, mais mérités. Il devait payer. L'on ne restait pas impuni lorsqu'on avait péché. « Peu importe ce qu'elle a déformé ou non. Je sais qui je suis, qui j'ai été également. Avant elle, je n'étais pas quelqu'un de bon non plus, elle n'a fait que dévoiler au monde la pourriture que je suis dans mes plus sombres atours. Nous avons tous cette part d'ombre qui sommeille quelque part en nous, je ne la renie pas, mais je vous dis ce qu'il en est. Elle m'a peut-être effectivement bouffé l'âme et le peu de l'Homme qu'il me restait; mais c'est bien ma personne qui déversais mon venin, mon mépris, c'est encore moi qui agissais de la plus déplorable des manières, et toujours moi qui détruisais toute chose et tout être humain ayant eu le malheur de croiser mon sombre chemin.... consciemment, pas toujours. Certes. Très bien. Mais comprenez-moi. Rien n'excusera jamais tous mes méfaits. Ce sont des cicatrices que je me dois de garder à vif et de ne jamais oublier si je veux avancer. » Le paradoxe à la Black. Il n'y avait pas grande explication à cela. Il était si sûr de mériter tout ça. Si certain de devoir supporter un nouveau poids, alors qu'il se délaissait à sa guise de celui qui l'avait tiré au plus bas. Il ne s'en sortirait pas en raisonnant comme ça, mais on ne se refaisait pas. Il n'avait pas le choix.

Fly - Ludovico Einaudi \\ Jacob's Piano

Bientôt, il en eut bien assez du petit jeu qui s'était installé, là, alors qu'ils marchaient tous deux dans ce parc sans saveur, parlant de tout et de rien. Quelque chose n'allait pas. Et cette chose prenait le pas sur tout le reste. À un tel point qu'Alastar ne voyait plus que ça. Elle ne voulait pas être là, et il ne voulait pas supporter cette vérité. Il ne voulait pas l'entendre l'avouer. Cependant, une certitude était née. S'il ne voulait effectivement pas qu'elle lui admette une telle douleur, il lui en voulait sur l'instant de ne pas vivre comme elle l'entendait sans se cacher comme elle le faisait. Elle se manquait de respect en se privant de son authenticité si perturbante d'émerveillement. Quel gâchis. Voulait-elle le protéger en évitant de lui balancer de nouveau ses quatre vérité ? Absurde, elle ne s'était jamais privé auparavant. Non, il ne comprenait pas. Non, il ne savait pas. Et seigneur qu'il détestait ça.

Le contact, l'impulsion vitale de l'anglais. De trop, peut-être, mais il fallait bien cela. Oh, oui, il le regrettera amèrement dès lors qu'il sentira les frémissements de la peau de la jeune femme sous sa paume. Si douce et si répulsive à son contact. Il la comprenait. Mais que pouvait-il faire d'autre pour qu'elle l'écoute enfin ? Ses gazouillements d'oiseau blessé finirent d'anéantir le peu d'espoir qu'il avait laissé naître. Il aurait voulu qu'elle lui laisse voir son aile, sous le bandage. Mais l'oiseau avait peur du chat. Il ne pourrait rien face à l'instinct de survie.

Les yeux au bord du bouleversement inguérissable, Alastar fut transporté par les marées de vulnérabilité de Cassiopée, dévoilant inconsciemment les siennes à la volée. Il se rapprocha. Un pas. Presque imperceptible. Ils étaient si proches, maintenant. L'avaient-ils déjà un jour été autant ? Oh, oui, affreux. Il se souvint de ce moment, de sa violence. Une vague de souffrance passa là, dans l'azur alors qu'il emprisonna le souvenir en un clignement des paupières volatile. « Celui même que vous maniez fébrilement pour me repousser......là....... maintenant. » Un souffle. Une prière. Il rouvrit les yeux pour les noyer dans les siens qui, paniqués, se débattaient ici et ailleurs. Partout sauf sur lui. « Le combat est terminé, Cassiopée. Baissez-le, lâchez-le, brisez-le..... et regardez-moi... s'il vous plait. » L'astrophysicien se voulait doux, d'une douceur d'antan, d'une illusion longtemps réprouvée. Oublié, le brusque de la fureur Luciferienne. Et pourtant, il savait. Rien n'y ferait. C'était évident. Il n'était pas envisageable que cela se passe autrement. Il ne voulait pas qu'elle lui dise qu'il la répugnait et que tout ceci, n'était qu'une vulgaire comédie. Et se dire ces horreurs ne retirait rien à la peine ressentie. Et d'où venait-elle, d'ailleurs, celle-ci ? Il s'éloigna un petit peu, mais ne la libéra pas. Pas encore. « Moi je n'ai plus rien; voyez mes mains. Je ne compte pas vous poignarder, ni vous railler, pas aujourd'hui... j'espère plus jamais. De toute manière vous ne serez plus à mes côtés pour vous en assurer. Je n'oserai pas tenter d'imaginer avec quelle intensité j'ai pu vous blesser, ni à quel point vous souhaitez que je vous lâche là, tout de suite, et m'éloigne enfin de vous pour toujours. Non, je n'oserai pas, car je ne sais pas. Et ce serait vous manquer de respect. Mais je sais avec expérience que rien n'efface jamais les douleurs du passé. Et je sais de source sûre que vous le savez aussi bien que moi. »

Dans un soupir, il se détourna complètement de la jeune femme pour instaurer une distance entre eux deux. Celle qu'elle préférait, probablement à raison. Il pleuvait tout doucement. Son visage s'ouvrit sur le ciel, les yeux dans le noir, il laissait les perles du ciel le recouvrir de clarté cristalline. Il n'en pouvait plus, de ces non-dits. Il éclatait aux miroir d'une colère, si légère, si peu mauvaise et pourtant si sincère. La tragédie aux effluves de déjà vu qui se rejouait. Les rôles s'inversaient. « Baissez-le, votre putain de bouclier. Je suis désarmé. Ou alors battez vous vraiment, prenez une lame et finissons-en. Je vous ramènerais même ce sabre que vous affectionniez tant si cela peut vous faire ouvrir les yeux. Allez-y, Mademoiselle Desnuits, achevez-moi, maintenant. »

Elle parlait, des bribes de vérités, mais lui ne voyait que des excuses. Il soupira, soudain las. « Permettez-moi seulement de douter. Je sais que vous dites vrai, mais il y a une chose que vous me cachez. Ça viendra, enfin je crois. Après tout, peut-être que vous ne la comprenez pas vous même..... » Et le sujet revint sur sa personne, pour son beau malheur. Elle souhaitait le voir heureux. Il ne put retenir un fin sourire, lui aussi. Il ne la comprenait pas. Rarement. Mais elle le prenait toujours au dépourvu. Il aurait voulu lui répondre qu'il n'avait pas besoin d'aimer la vie pour la vivre, mais elle ne comprendrait pas cela. Comment le pourrait-elle ? Il se tut et se contenta de laisser s'échouer les mots de Cassiopée dans les chants du mauvais temps.

Les aveux qui suivirent le piquèrent au vif. Comment pouvait-elle penser de telles aberrations ? C'était absurde, vraiment. « Cessez de me prendre pour le Seigneur du Temps. Je sais sans aucun doute autant de choses dans mon domaine que vous dans le votre, alors, SI, vous savez; tant de choses que moi j'ignore superbement, et grand bien me fasse, l'être humain, c'est votre domaine, moi je préfère ses atomes. Nous sommes sur le même pied d'égalité, peu importe ce que j'ai pu vous faire croire par le passé, peu importe les grands airs que je prends et continuerais sans doute le restant de mes jours à porter sur mes traits. Vous n'avez qu'à vous dire qu'il ne s'agit que de mon arrogance typiquement britannique, généralement ça suffit à être irrité et à passer outre, pour vous, les français.... » L'autodérision était de bonne guerre, bien qu’inhabituelle.

Le Temps fit sa crise, l'orage grondait. Les vieux caprices britanniques. La remarque de Cassiopée lui fit froncer du nez, enfant turbulent que l'on viendrait de critiquer. Si bien qu'à l'abri sous le vieux chêne, il sortit de sa proche un élastique pour entreprendre un chignon décoiffé lui donnant des airs sauvages. Au moins, plus rien ne lui collerait au visage. Elle lui parla de l'orage, que lui n'avait jamais bien aimé. Il faisait fuir ses étoiles et n'avait pas été très bon compagnon. L'idée qu'il ait pu se montrer plus agréable pour Cassiopée lui plu immédiatement. Il la couvait d'un sourire affecté, l'ombre d'une caresse sous les grondements semblables aux terreurs nocturnes de son enfance à Liverpool. « Je pense en avoir déjà bien trop dit. Pas vous ? » rit-il légèrement. Son regard se promena sur elle, scrutateur. Ni une ni deux il retira sa veste pourpre qui avait gardé sa chaleur pour la déposer sur les épaules de la française. Ici, ce n'était pas la Pampa, et il était hors de question qu'elle attrape froid par sa faute. Avec sa simple chemise qui lui collait maintenant au torse, lui, ne ressentait bizarrement pas avec la même intensité qu'elle la frappe du vent mêlé à la pluie.

Le Docteur a dit que je devrais bientôt m'en aller.

Le regard se perd tout en haut. Les éclairs qui percent sa tendre voûte céleste le fascinent. Il pense à Melody, tout à coup. Ce n'est pas nouveau, mais plus aussi régulier.... et il s'en veut, de l'oublier. Et puis il pense à l'Avenir. Le sien. Ça, c'est nouveau. Il se perd, se perd tout en haut pour ne jamais redescendre. Si seulement.
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Cassiopée Desnuits
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
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The Cinematic Orchestra-Arrival of The Birds & Transformation

Peut-être avait-il raison, peut-être pas. Bien sûr qu'elle pouvait se tromper sur elle-même. On connaissait si peu comment l'être-soi pouvait être appréhendé. Et Cassiopée, du haut de ses 30 ans et de ses balbutiements de toutes sortes, tentait bien malhabilement de se vivre sans trop de discordances. Elle s'estimait commune, et à la fois différente, de la même façon que tout un chacun pouvait se percevoir face aux autres et au monde. Il n'y avait rien à en dire mais Alastar avait l'air de savoir mieux qu'elle et elle n'eut pas la force de le contredire. Ils se seraient opposés comme ils savaient si bien le faire et cela la répugnait désormais. Vidée de ce fou rire intempestif, elle aurait aimé, quelques instants, s'échouer quelque part afin de ne plus penser. Il percutait trop de choses l'animal, ça la perturbait et elle n'aimait pas ce discernement, tout simplement. Les règles du jeu toxique auxquelles ils s'étaient adonnés n'existaient plus. C'était un Autre qui lui faisait face, extrêmement intelligent et perspicace. Quoiqu'elle fasse ou dise, elle s'exposerait à sa lucidité brute et décontaminée. Mesurant son erreur de jugement, elle le considéra différemment. Ainsi, ne releva t-elle pas sa juste remarque, se contentant de lui décocher une œillade indéfinissable.
Oui, elle s'essayait à être elle-même, c'était son combat, sa quête, du plus loin qu'elle se souvenait. Ne pas céder à la tentation de se laisser emporter aux flux de la facilité, être véritablement libre. Un challenge auquel elle s'adonnait avec passion, quitte à se brûler les ailes. L'anglais avait deviné ? Bigre, cela ne faisait pas partie de ses plans, tout ça.

Et ces mots de mort qu'il employa pour se définir. Un glaive lui aurait percé le cœur que les conséquences n'en n'auraient pas été différentes. L'estomac contracté sur le coup, une fraction de secondes, elle ferma les yeux, bredouillant entre ses dents « j'hallucine... ». Insupportable, inentendable, scandaleux. Le palpitant irradié, elle se força à l'écouter sans l'interrompre. C'était épuisant de subir, encore, de tels assauts abyssaux de mépris de soi. Il se fustigeait lui-même, retournant ce venin-là contre lui. Pourra-t-il, un jour , se pratiquer autrement qu'à travers ce dédain ? Il allait être guéri physiquement, mais l'âme paraissait toujours malade.

-Je suis d'accord avec vous, on a tous cette part sombre...C'est si facile d'être son propre bourreau et il n'y a pas de pire juge que soi-même...Mais vous vous arrogez un pouvoir de destruction alors que... vous n'êtes rien de plus ni de moins qu'un être humain, comme tous les autres.Enfin...soupira-t-elle, vous êtes libre, pensez de vous ce que vous voulez, je n'y pourrai décidément rien, mais ça me...Ça me fait de la peine d'entendre ça, que ça vienne de vous ou de n'importe qui d'ailleurs. J'en ai croisés dans mon boulot des cassés de la vie et je...
Il y aurait tellement à dire.
-...et je n'ai jamais supporté ce genre de discours. Ça me révolte, c'est tellement faux ! Oh bien sûr,  je ne suis plus celle qui tentera de mettre votre foutu nez sur ce que vous avez de bien. Vous refusez de le voir, d'y croire, soit. Je ne peux rien y faire, c'est votre choix... C'est fini tout ça, on est bien d'accord, et nous sommes soulagés l'un et l'autre de ce poids qui a pesé sur nos épaules comme deux ânes bâtés. Jugez-vous autant que vous le voulez, flagellez vous encore et encore, macérez dans tout ça si c'est votre « bonheur » si je puis dire. Avancez loin et haut tout ensanglanté si ça vous amuse...
Elle eut un geste désinvolte, empreint de sous-entendus qu'elle n'imaginait qu'à peine, bouillant à l'intérieur mais tout à la fois mûe par un calme extrême. Elle s'essayait à rassembler ses idées, rebelle à le laisser sans réponse.
-Je choisis ceux que j'aime et je ne fréquenterais pas des gens comme vous, tel que vous vous décrivez. Sinon, je ne serais pas ici avec vous. L'idée en est insultante et sachez que...que vous avez échoué à me détruire ou à détruire quelque chose en moi. Je vous le dis, ça n'a aucune importance si vous n'y croyez pas. Enfin... Si...
Elle réfléchissait à voix haute, désarçonnée à argumenter, frustrée de ne pas parvenir à exprimer ce qu'elle ressentait, ce en quoi elle était persuadée. Lui partager un bout d'elle, en vérité.
Hésitante, elle en bafouillait presque, ayant du mal à trouver les mots justes.
-Si...C'est essentiel en fin de compte car... ça montre que ce que vous appelez votre...votre venin ou votre mépris ou ce que vous savez mieux que quiconque, eh bien...ça ne marche pas sur tout le monde. Quelquefois vous échouez. Voyez, ça n'a pas marché sur moi, contrairement aux apparences. Ces foutues apparences... Et je vais même aller plus loin, bien que je doute que vous puissiez le comprendre ou encore moins l'accepter mais...
Elle rayonna, radieuse d'une complicité intime.
-Je vous remercie, car grâce à vous et à ce que vous...vous avez été...Je...J'ai beaucoup appris, bien plus que toutes les théories du monde. Oui...j'ai énormément appris, si vous saviez...
Un silence.
-Mais cette espèce de... de prétention insolente que vous brandissez sur votre capacité à démolir ou...abîmer...Je vous en supplie mais... je n'ai plus envie de l'entendre. Gardez-la pour vous ou pour qui vous voudrez...
Elle se trouvait si démunie, maladroite. Qu'aurait-elle pu ajouter ? Réfugiée dans une ignorance d'arguments, elle se tut. Alastar se rapprocha alors, à peine, et cette proximité inhabituelle l'écorcha. Si près et si éloignés l'un de l'autre.
Elle sentit qu'il cherchait son regard. Mais elle ne pouvait pas lui faire face, non, pas maintenant. Elle ne voulait plus se confronter, de quelque manière que ce soit, à ces radiations sombres dont il lui rabattait les oreilles. Elle n'avait plus ni la force ni le goût de lutter contre.

Elle ne sut que dire, murmurant à peine par dessus ses mots «je ne vous repousse pas». Comment pouvait-il se méprendre, à ce point-là ? Ne voyait-il pas qu'elle s'intéressait à lui, qu'elle avait traversé l'océan pour lui rendre visite, réservé ses vacances à quelques kilomètres de la clinique, qu'elle pensait à lui souvent...Non, il ne savait pas. Pas ça.

Il la démasquait, sans qu'elle ne lui ait jamais rien confié de personnel, c'en était perturbant. Étrangement, cela lui fit l'effet d'un baume. Et la douceur de sa voix, de ce qu'il dégageait, là, tout de suite, la projeta en cet instant hors du temps et de l'espace où elle l'avait surpris dans son sommeil. Ce moelleux d'Ange dont elle rêvait depuis la nuit des temps, dérobé à son insu. Elle avait alors déterré, par un pur hasard, ce qui se cachait derrière cet homme détruit : la tendresse incommensurable d'un Prince Charmant inaccessible et pourtant bien réel. Elle l'avait reçue sans armure, ce coup de fouet de velours. Liquéfiée d'émotion, une poussière d'Absolu s'était faufilée, là, quelque part, et Cassiopée s'en était précieusement repue. Alastar, sans rien faire, involontairement, innocent d'une quintessence oubliée, l'avait touchée au plus profond de son être comme jamais personne ne l'avait tenté. Bouleversée par cette grâce révélée, elle y avait alors puisé sans fin, tenant bon coûte que coûte.
C'était un de ses secrets. Elle ne pouvait pas lui dire, fatalement.

Et voilà que cette délicatesse ressurgissait, inattendue, implorante, la prenant de court. Quel cœur aurait pu y résister ? Certainement pas celui de la française, si faible aux supplications d'une soif inassouvie.
Il aurait du passer à autre chose, rebondir sur cette confiance qu'elle lui avait vouée du début à la fin. Une détermination qui pouvait sembler Folie à toute personne sensée. Qui aurait pu tenir la distance comme elle s'y était acharnée? D'autres bien sûr, de ces caractères tenaces qui ne lâchaient rien et espéraient contre vents et marées. Mais...il s'accrocha à sa façon, lui aussi, sur un autre registre qui la déstabilisa.
Elle se pressentit à la croisée des chemins, prise à la gorge par sa sincérité.

Alors...
Alors Cassiopée succomba à l'appel de cette douceur. Il lui était impossible de lutter, elle n'en éprouvait même pas la tentation. Elle se tourna enfin et le regarda naturellement, avec franchise. Sans rien dire. La lueur de ses yeux bleus répondait à sa prière. Une communication muette. Se rejoignaient-ils à brûle pourpoint? Où n'était-ce qu'un mirage ? Une sensation de trêve l'enveloppa, éphémère, somptueuse.
Accrochée à son bras qu'elle ne fuyait pas, sans se détourner un seul instant, elle l'écouta jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'il la libère.
Évidemment qu'elle ne serait plus à ses côtés. L'implacable issue lui fit mal.Tant de véracité et de mise à nu perdues...
-Ce n'est pas comme ça que ça a fonctionné Alastar...je...je suis touchée de...de ce que vous dites mais...je ne sais pas...comment dire... 
Elle réalisait qu'elle n'était plus seule à se souvenir, à comprendre, à ressentir. L'empathie convergeait dans le passé et par redondance, les ralliait dans le présent. Une fulgurance d'inespérance. Elle n'avait jamais, ô grand jamais imaginé une telle possibilité. Même pas dans ses rêves. Mais cela advint. Cela fut. Un apaisement, une rassurance, un soulagement. Tant pis si leurs incompatibilités les séparaient. Au moins une fois, juste une fois, il éprouvait une compassion à ce qu'elle avait enduré, lui redonnant cette existence niée pendant tous ces jours passés à ses côtés. La conscience enfin réveillée, l'astrophysicien évaporait toutes les cicatrices et les mauvais souvenirs.

Il la voyait. Il la respectait. Elle existait à ses yeux. C'était quelque chose de neuf. Quelque chose de joli, quelque chose d'humble et de loyal.
-Alastar...Je...
Elle se tut, observant, émue, l'offrande de son visage à la pluie. L'éclat de l'authenticité ôta les ultimes scories d'une carapace bien solide. Les vannes s'ouvrirent, libératrices.
-Vous oubliez une chose essentielle: je suis restée de mon plein gré. Vous avez raison, ça n'a pas été simple mais j'y ai trouvé mon compte, soyez-en convaincu, sinon je serais partie bien avant.
-Les douleurs du passé ne s'effacent pas en effet, mais elles s'atténuent, je sais de quoi je parle et elles restent dans nos mémoires pour servir de plus grands desseins. Elles finissent pas s'apaiser et devenir des amies complices de ce qu'on est dans ce qu'on a à vivre au présent. Je parle pour moi bien sûr. Si je n'avais pas perdu ma mère comme vous l'avez su, je ne sais pas comment, je ne serai pas à côté d'une belle personne qui se ressuscite et m'a faite grandir. Et la petite expérience de cette perte sert à d'autres choses...
-J'avoue que... vous avez changé quelque chose en moi. Oui...Quelque chose a changé, et vous avez raison, je ne sais pas ce que c'est sauf que ce n'est pas un hasard si j'interviens maintenant pour des gens condamnés. La mort des autres, la maladie ne me font pas peur. Vous avez été l'un de mes patients les plus difficiles, le plus complexe à gérer à cause de cette foutue drogue...Enfin, peu importe, c'est fini. Mais mon boulot d'aujourd'hui, clairement, je vous le dois. Je ne pourrai jamais vous exprimer suffisamment ma reconnaissance et je ... Je me répète, je suis désolée, mais je...C'est complexe. D'habitude, on ne revoit jamais les patients après. Mais vous, à cause de votre addiction, j'avais un...un sentiment d'inachevé. Et je n'aime pas ça. C'était important pour moi de prendre de vos nouvelles, de savoir où vous en étiez.  Vous savez, malgré tout ça, je...je vous aime bien et je ne vous vois pas noir comme vous vous voyez vous même. Ça fait une différence, une de plus.

Elle sourit à la grossièreté employée.
-Vous vous trompez sur beaucoup de choses...Vous achever ?
Elle pouffa, amusée de l'idée exagérée et de l'image et qui s'affichait dans son esprit :
-Non voyons, ça tuerait le sens que je donne à mon travail et ce serait nier ce que j'ai vécu avec vous. Je refuse.
Oh oui elle le refusait! S'il savait ! Le savait-elle elle-même ? Non, elle ne savait pas mais sentait bien que quelque chose n'allait pas.
-Je pensais que...que vous alliez être comme avant à mon égard. Je suis passée à autre chose assez vite vous savez, j'ai continué mon bout de chemin, j'ai avancé mais je ne peux pas...je ne pouvais pas ne pas me protéger non pas de vous mais...de...de souffrir. J'en garde une peur de souffrir, c'est tout. Elle partira, plus tard...Mais pour le moment, je n'ai pas le cran de revivre ça. C'est passionnant mais...décapant.
Et encore une fois, il fit mouche, à tel point qu'elle ne sut plus où se mettre. Les rôles s'inversaient.
Terrible.
-Je ne vous cache rien, en tous cas que je sache. Peut-être avez-vous raison, je ne sais pas, souffla-t-elle. Ce qui est certain c'est que...
Elle hésita. Il y avait toujours un risque à se dévoiler autant mais elle le prit sans trop réfléchir finalement. Ils ne se reverraient plus, alors, c'était plus facile.
-...Ça...ça m'a chamboulée tout ça. Je n'oublierai jamais, c'est une évidence que je ne peux pas expliquer, mais ce n'est pas du tout négatif, quoique vous puissiez penser. Et je..je vais arrêter là les confidences parce que ...ça me remue de repenser à tout ça, et je...je n'ai pas envie d'aller plus loin.
Elle posait une limite. Fin de l'histoire.
Il utilisait une des ses armes favorites qui la fit s'esclaffer. Tout arrivait, il se raillait, c'était  drôle !
-De l'arrogance... Si vous le dites.
Tout courage à batailler l'avait quittée. Une fatigue l'emportait, laminant une tension inconsciente qui s'effondra, tandis qu'elle l'observait, amusée de sa réaction. Alastar avec un élastique dans sa poche pour s'attacher les cheveux ! Elle s'en égaya, séduite par la grâce d'un simple geste.
Le regard tourné vers l'orage, elle sourit sans répondre, ni voir son mouvement.

Et la brûlure de l'Olympe lui tomba sur les épaules par surprise.

-Oh ! Mais... ! Je...Ce n'est pas la peine..., contesta-t-elle pauvrement, soulagée du froid. Soudain gênée, toute ébaubie, elle se recroquevilla de l'intérieur comme un escargot au soleil, les mains crispées sur les bords de sa veste.
-Vous allez être trempé. C'est gentil, merci. On va partager en attendant que ça se calme. Je suis vraiment idiote de ne rien avoir prévu !
Elle maîtrisait l'art de la contenance la française, rodée à camoufler ses arrières pensées depuis si longtemps...

Qui était-il Alastar, en vérité ?

Et puis... une autre sorte de tonnerre claqua dans l'air, frappant de front un cœur malmené d'inconsciences. La surprise lui cloua le bec. Si vite, déjà ! Qu'avait-elle espéré ? Qu'il allait rester là vitam æternam, qu'elle pourrait lui rendre visite à sa guise ?
-Ah ?! Je suis si contente pour vous ! Sincèrement !
Si heureuse pour lui, si triste pour elle. De quoi souffrait-elle donc ? La boucle était bouclée, il s'en sortirait. Que demander de plus ?

Elle se vit tout à coup, désincarnée, au milieu de ce parc. Non, ce n'était pas elle, Cassiopée Desnuits, qui se tenait sous un chêne avec cet homme méconnu. C'était une autre, qu'elle ne reconnaissait pas.
Une émotion brute s'épaissit tout à coup, envahissante, gluante.

Elle ne le reverrait jamais.
Emprisonné dans la litanie, son cerveau s'arrêta de fonctionner avec logique.
Elle ne le reverrait jamais.
Qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? La raison luttait contre l'émotion, condamnée d'avance.
Elle ne le reverrait jamais.
Anéantie, ses larmes se mêlèrent au chagrin du Ciel.

Par chance, il regardait ailleurs.

« Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville*... »


Les vers dansèrent doucement dans sa tête et la firent sourire malgré tout.

*Verlaine
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Alastar Black
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
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Olafur Arnalds - Happiness Does Not Wait (Original Mix)

Secrète douleur

Vient la tempête des pleurs,
L'âme fusillée d'horreur,
Vient le blues, beau cajoleur,
Poésie des tourmenteurs.

Poussières d'ombres douleurs,
Désolation sans couleur,
C'est le secret de ton cœur,
Hurle l'aube de sa peur,

Viens au plus bas, pauvre cœur,
Viens rire à ton malheur,
Sans te cacher, le menteur,
Va, assume tes laideurs,

Viens ici, vient la blancheur,
Viens ici, vient le rêveur,
Viens ici, vient la noirceur,
Viens ici, vient le pécheur,

La cruauté, la terreur,
Le mensonge du bonheur,
Mourir d’âme et de cœur,
C'est ta secrète douleur.

L'obsession de la douleur; aux ravissantes perles salées silencieuses, au fond de l'impasse impossible du déjà-vu, au passé non plus passif qui abattait avec violence le preux présent. Une bien belle tragédie.  

Quelque chose qui n'allait pas. Un rien qui n'allait plus.
Tout allait pour le mieux. Seule une impression de déjà-vu.


Aux échos des marrées lointaines, un flot aux cris lugubres des nerfs; Alastar voguait sur son navire instable de guerre, toujours prêt à dériver, pourtant jamais loin d’accoster. Une voix chuchotait au large, dans un florilège de chants de sirène qui envoutaient mais ne faisaient pas sens. Une voix se distingua parmi les mensonges doux amer. Elle lui parlait, tout proche. Une voix douce, pleine de reproche. La sienne. Toujours la même. Pas celle qu'il aurait imaginé entendre, mais c'était bien elle. La française. Elle parlait, le sermonnait même, et qu'importait comment elle préférait qualifier ses propres intentions puisqu'il préférait de loin la laisser nager seule bercée par les vagues de son imagination. Dans ses yeux clos, dansait la mer. Dans son soupir las, étouffé par la peine, se parlaient bien des maux qu'il ne prononceraient guère. Il était silencieux jusqu'alors, ô combien désolé. Elle souffrait de sa douleur, il le voyait bien. L'idée ne lui plaisait nullement. Qui, de sa propre volonté, souffrirait l'Horrible douleur au nom d'un piètre et unique écumeur, quand en réalité c'était toute sa mer qui s'échouait et se mourait ? « Arrêtez ça, maintenant, s'il vous plait. » avait-il simplement demandé. Un faible sourire forcé s'était dessiné pour colorer par une petite touche édulcorée son visage beaucoup trop fermé pour un homme qui se prétendait renaitre. Une contenance d'apparence, mais il constatait qu'elle ne faisait pas bien mieux que lui. Il ne l'avait jamais trouvé très bonne comédienne. Cassiopée... Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être constamment trop elle même. Et si cela l'irritait, fut un temps, aujourd'hui, c'était juste épuisant. Finalement, peut-être que leur "relation" ne prenait tout son sens qu'en leurs innombrables désaccords. Finalement, il n'en savait fichtrement rien. Il fallait que ça cesse. « Pourquoi toujours choisir de perdre notre temps sur ce genre de discussions stériles quand on sait pertinemment où ça nous mène ? C'est à dire là où je le souhaite, moi, et non là où vous souhaiteriez que je soi. Oubliez tout ce que je vous ai confié, si ça peut vous aider à ne plus déraper vers un retour pour le passé, je vous promets que je ne vous parlerai plus de ce genre de choses. Cela vous convient-il ? J'ai la triste impression que nous n'apprendrons jamais, tous les deux..... Vous allez beaucoup trop loin pour moi, et je n'ai plus le courage, ou peut-être davantage l'insolence, de vous suivre sur ce chemin là...... Oui, je crois que c'est mieux ainsi, oublions tout ça. » À ses derniers mots, le scientifique balaya dans un geste gracile de la main ce Tout qui l'étouffait comme s'il s'agissait d'un petit désagrément sans grand impact. Comme si c'était si peu. Si peu important. Comme si la brève rébellion de son ex-compagnon de sobriété ne méritait pas tant d'ardeur, tout compte fait. Quel intérêt prenait-elle à s'investir encore, à tout ça, à lui ? Et qu'est-ce qu'elle y gagnait ? Car là était tout l'enjeu. C'était son boulot. Elle ne ferait pas tout cela en vain. « J'imagine que là je passe pour un lâche, mais ce n'est pas plus mal que vous voyiez la vérité en face. Peut-être que je me dérobe, peut-être que j'évite ce je-ne-sais-quoi que vous aimeriez tant que je vois, mais c'est mon choix. Et j'ai comme l'impression que cela pourrait être une raison suffisante pour clore le débat définitivement... pas vous ? » La petite touche ironique qui s'éprit de lui lorsqu'il haussa légèrement le ton le piqua à l'âme. Immédiatement. Il s'en voulut. Un gout amer de dégout, pour lui même. Il ne pouvait pas se laisser aller à remonter dans le temps aussi stupidement. Il était pitoyable, se sentait détestable. Ça n'avait rien d'étonnant qu'elle se sente aussi mal à l'aise à ses côtés...... Et puis que faisait-elle ici, déjà ?!

Les yeux de l'anglais trouvèrent le sol et il serra sa mâchoire ainsi que sa veste pourpre tout contre lui. « Ne m'en voulez pas, mais si vous êtes venue remettre le couvert, ce sera sans moi. Je vous ai dit spontanément ce qu'il en était, c'est aussi bête que ça en a l'air, et je vous demande juste de respecter mes confessions, d'en avoir rien à foutre "si ça vous amuse", d'ignorer le tout si c'est encore mieux, peu importe, Cassiopée, mais je ne vous demande rien de plus. Enfin, n-non, je ne vous demande rien, je n'ai rien à vous demander, rien à... rien du tout..... My god, c'est compliqué.... » Il n'avait jamais tant cherché ses mots. Chacun d'eux avait pourtant son immense importance pour Alastar, surtout lorsqu'il était question de parler avec Miss Desnuits. Il n'arrivait plus, plus comme avant. Qu'est-ce qui avait bien pu changer ? Black, fais un effort, t'es vraiment ridicule...... « Sincèrement, je ne comprends pas, pourquoi vous donner encore autant de peine, après tout ça ? C'est impressionnant d'absurdité. C'est remarquable, fascinant même... mais j'ai du mal à l'expliquer, votre syndrome du sauveur. Votre contrat est terminé si je ne m'abuse. Terminé, mais vous le savez.... Il n'est plus rien, je ne suis plus rien, absolument personne..... Gardez donc toute cette énergie pour les déchus qui ne demandent qu'à voler de nouveau, j'ai quitté la liste des petits oiseaux depuis bien longtemps. Vous devez être fière de vous, vous êtes remarquable. Vous avez réussi votre mission, tout est bien qui finit bien. Non ? » Question rhétorique. En était-ce vraiment une ? Peut-être. « Et sachez que rien de tout ceci ne m'amuse. Ce n'est pas un jeu pour moi, pas un travail, pas même un cauchemar.... pourtant ce serait tellement plus simple. » La simplicité, ce n'était pas son "truc", à l'anglais, de toute manière. Alastar voyait les chutes comme les triomphes en grands, et ce depuis gamin. Un passionné un peu pudique, mais il n'était pas bien difficile de le démasquer.

Elle était si loin, sa sauveuse. Si loin de lui, la rêveuse. Complètement démuni, le scientifique la supplia de revenir. Mais Cassiopée l'avait déjà quitté, sans même lui souffler un au-revoir. Il le sentit au moment où son regard chamboulé échappa à ses lagons, au moment où sa fragilité longtemps réprouvée de conquérante céleste se fissura et vint le frapper de plein fouet. Elle s'en alla. S'en était allée. Elle était partie pour retrouver par delà l'espace et le temps, sa place de sublime reine du ciel d'automne. Constellation circumpolaire, admirable de l’espèce de celles qui ne se couchaient jamais comme la Grande et la Petite Ourse. Elle était si loin déjà. Comme Céphée et comme le Dragon. Elle ne dormait pas, elle n'avait pas le temps pour cela. Un trône au-dessus de l’horizon, la reine était bien trop occupée à diffuser sa lumière à tout l'univers pour penser une seule seconde à elle, à se reposer, à peut-être se laisser aller à s'éteindre pour une nuit ou deux. Il ressentait enfin, scientifique déplorant l'humain, Alastar ressentait tout ce que sa belle constellation portait sur ses épaules depuis des lustres. Tout un royaume nocturne. Il avait mal avec elle.

Foncièrement humble et empathique, il attendit patiemment son retour sur terre.
Et....
Miracle ! Elle revint à lui, à eux, aux chanceux, ces terriens. « Alors ne dites rien. » souffla-t-il dans un joli sourire, le visage offert au grand ciel. Sans grande surprise, elle ne s'exécuta pas le moins du monde et s'ouvra à lui comme jamais. Ce petit détail l'amusa quelques secondes, il rit légèrement d'affection pour sa bavarde petite française. « Vous ne me devez rien. Mais je suis heureux d'apprendre que vous voyez et vivez les choses ainsi, même si ce que vous m'avouez s'apparente à du français pour moi........ C'est d'ailleurs ironique, je suis supposé savoir le parler. » releva-t-il avec auto-dérision en haussant un sourcil, perplexe. Ceci mis à part, il n'aurait jamais vu les choses sous un tel point de vue, aussi bien professionnel que personnel. Forcément, lui, n'avait bien voulu voir que les mauvais côtés et les avaient foncièrement accentués, consciemment même.... et c'était là toute la puissance destructrice de son satané cerveau. « Je me trompe, je me trompe... il faut bien mener quelques expériences avant d'avoir absolument raison. » Et il s'y connaissait forcément bien dans ce domaine là, il avait toujours raison, ..mmh.

« Je vous comprends. Je ne m'aurais pas accordé beaucoup plus de chance, à votre place. Et c'est d'autant plus courageux et bon de votre part d'avoir quand même essayé de venir consulter mon état. Vous faites un excellent boulot, je n'ai jamais douté de vos compétences, malgré toutes les railleries que j'ai pu vous infliger. C'est une évidence, vous êtes née pour cela. Et, en ce qui concerne votre petite bulle de protection, je... vous.... je suis désolé. » Il fronça les sourcils en l'écoutant lui avouer sa peur de la souffrance. Cette douleur fit échos à la sienne. Il se tut, respecta solennellement sa volonté de ne pas en divulguer davantage. Il s'égayait déjà du bien trop qu'elle lui eut offert généreusement. Doucement, il inclina légèrement sa tête. « Merci. » Un seul mot. L'intensité de son regard en hurlait tant d'autres qu'il fut incapable de prononcer sur l'instant, bien trop happé par le chamboulement sentimental cassiopeien qui se jouait sous ses yeux.

Les terres du britannique se mirent à pleurer. Il refusait qu'elles s'accaparent toute la puissance de leur moment à tous les deux. Il demeura perdu sur le visage de Cassiopée pointé vers sa voie lactée. Sous ce chêne, sous cette veste pourpre, sous cette pluie douce de gêne adorable. Il souriait, sincèrement amusé, tout en remettant une seconde fois sa veste sur ses épaules, à elle, têtu qu'il était, celui qui n'avait indéniablement pas froid. « Mais vous ne vous taisez donc jamais ? Quand est-ce que vous respirez ? » Quelle question. Bien sur que non, c'était sa façon de garder la face après tout. Et cela fonctionnait plutôt bien, il n'allait pas mentir.

Tout se passait si bien, c'était doux, c'était beau...peut-être trop.
Cela ne pouvait durer.

Les lèvres contaminées par ce besoin de souffler la vérité, Alastar, inconscient, brise le Temps. Son voyage s'essouffle vicieusement, sans même qu'il n'eut osé une belle nuit l'imaginer; et l'effleure, la merveille Muse, et l'écorche, à l'en faire perdre la vue quelques moments. À la brisure des heures où vient s'agenouiller le Temps. Il est vaincu. Il n'est plus temps.

Elle était si contente pour lui......... « Alors pour qui sont tes peines, Cassiopée ? » chuchota avec une douceur angeline le pauvre rêveur écervelé, lui même chamboulé par les soudaines larmes et le si beau sourire mélancolique qui les accompagnaient. Un sentiment d’inespérance malveillante. De ceux que l'on ne pouvait éprouver par égocentrisme déplorable. Elle ne pouvait pas pleurer pour ça. Pour cette fin, pour tout ça. Si ? Et si vraiment ça la touchait ? Pourquoi ? Lui même ne s'en formalisait pas....... n'est-ce pas ?.... Vraiment ?

Un mélange aigre doux dans la poésie d'une femme émouvante sous la pluie.
Une image ensorcelante et dramatique.


Le ciel gronda, l'anglais détourna le regard à ce moment là pour admirer l'éclair s'en aller au loin derrière la clinique. « Merci. » Un seul mot. Encore le même qui résonnait, mais le ton était suppliant. Les yeux dans le vide, il sentait sa gorge se nouer pour une raison qui lui échappait. Bloody french girl and her stupid french clichés. Le Temps pleure et la tristesse des âmes s'éveille. « Pour tout..... mais ne pleure pas, je t'en prie, ça ne doit pas se finir ainsi. »
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Cassiopée Desnuits
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
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Thomas Bergersen - Empire of Angels

Elle n'aurait pas du revenir. Mon dieu, comme elle n'aurait pas du ! Pour quelles raisons, misère, se trouvait elle là ? Pour quelle misère était-elle de retour? Elle s'était crue solide et si heureuse pourtant à le revoir. Un élan empli de mystères, une impulsion irrationnelle dotée d'une volonté de fer à laquelle elle avait succombé avec bonheur. Elle avait foncé sans réfléchir la rouquine, revêtant sa belle armure étincelante. L'épée de Vie brandie, n'était-elle pas la sempiternelle conquérante de la Guérison, samouraï victorieuse de guerres invisibles ? Que de beaux combats nobles et généreux ! Mais c'était omettre ses propres failles. Fatale erreur:pour la première de fois de sa vie, la clairvoyance d'un Autre s'immisçait en ses zones d'ombres et ce, incroyablement sans effort. Rien ni personne ne l'avait préparé à ça. Surtout pas elle-même. Elle en foutait plein la gueule, hein la psy ! Éclaboussante de joie de vivre, dégageant cet indiscible qui attirait les confidences. On comptait sur elle et elle le rendait bien. Une moissonneuse batteuse qui décortiquait les âmes et les cœurs  sans peur et sans pudeur. Comment aurait-elle pu imaginer qu'un jour ce serait l'essence même de la Souffrance qu'elle combattait qui se pencherait avec autant de bonté et de pertinence sur ses abysses ?

Toi aussi Cassiopée, si loin si près, tant et si peu, ton cœur pleure, ton cœur souffre. Tu rêves sans cesse, tu espères sans arrêt, tu tricotes la Lumière pour les autres, et toi ? Où est-il Celui qui te fait décoller du monde, ce Prince Charmant qui t'emmène à l'Absolu, te berce dans l'Infini, t'aime avec l’Éternité ? Où est-il cet amour merveilleux et romantique dont le manque te poursuit sans relâche ? Car il te manque, cruellement. A chaque instant, ton cœur qui bat dans le vide, ça t'égratigne, ça t'écorche. Ta vie entière sans cet amour te mord à mort. Oh bien sûr, tu t'entourbillonnes avec l'Espoir, tu t'enivres à rire de tout et de rien. Mais tu es à côté de la plaque ! Tu n'as pas encore compris que seul l'abandon à ce deuil que tu refuses depuis toujours t'offrira la Liberté pure ? C'est si facile de l'inspirer aux autres, n'est-ce pas ? Arrête de vouloir tout contrôler !
Chuuut...Ferme-la Cassiopée. Écoute la voix de la Réalité: le Prince Charmant n'existe pas. Il serait temps de prendre soin de toi avant qu'il ne soit trop tard. Avant que ce ne soit toi qui s'effondre sur le champ de bataille. Qu'adviendra-t-il si tu continues à te maltraiter par excès de déni et d'espérance?
...Il n'existe pas Cassiopée.Tu ne le rencontreras jamais. M'entends-tu ?

Elle se heurtait à plus fort qu'elle. Alastar ne flanchait pas dans ses choix, même les plus noirs. La tête haute, il avançait sur un chemin aride mais lucide, parfaitement lucide et robuste.
Libre de ce qu'il souhaitait être.
Libre de ce qu'il voulait vivre.


A ses côtés, elle se brûlait. A ses mots, elle s'affaiblissait. A sa douceur, elle se consumait.

«Arrêtez ça, maintenant, s'il vous plaît». Une prière qui se répétait. Un jour, un autre moment, quelqu'un, plusieurs. Elle dérangeait parfois...souvent, réduite à une mouche du coche qu'on chassait d'un revers de main ou d'un sourire gêné parce qu'elle ne pouvait se satisfaire que de profondeur. Une jardinière qui prenait le risque de déterrer les merdes et les transcender en richesses.«Les choses ne changeront pas, les gens non plus. Mais la manière dont vous les regardez, ça peut tout transformer. Regardez autrement, n'ayez pas peur...»

Tu ne peux pas les aider ou les sauver malgré eux, malgré leurs choix. Accepte-le.


Elle ne pouvait donc plus rien pour Lui. Là se situait la limite. Le respect. Là devait se sceller le lâcher prise.
Là commençait l'ouragan.
Mais elle s'échinait sur l'impossible avec l'anglais. Elle ne réussirait pas à s'en détacher, à faire ce putain de travail de deuil, à son tour. Quelle censure ! C'était elle qui avait besoin que quelqu'un prenne soin d'elle, maintenant. Pas demain, ni plus tard, ni un jour. Maintenant.
Ce n'était qu'un boulot. C'était bien plus que ça, bien pire...Sublime.

***

Extrait du rapport de la supervision du 16 avril 2019-Desnuits Cassiopée-

-Alors vous vous êtes sentie très seule face à tout ça, n'est-ce pas ?
-Oui, mais c'était normal. J'étais payée pour ça.
-Qu'est-ce qui vous fait le plus mal ?
-...Que quelqu'un choisisse de ne pas vivre. Qu'il...renonce volontairement à cette part...cette part extraordinaire qu'on a tous en nous. Je ne sais pas pourquoi ça me touche autant.
-Cette expérience vous renvoie à vos propres blessures ?


16h20 :  

  • Refus de répondre et de poursuivre l'entretien.

***

Se taire ? Mais le monde en crevait de ces silences. Les filles d'Eve et les fils d'Adam claquaient la gueule ouverte, étouffés par les vomissures si précieusement cloîtrées à l'intérieur.  Le pourrissement des mots en maux sans air. Pourquoi ne pas dire ? Pourquoi pas ? Ça pouvait ne rien changer, ça pouvait tout changer.

Et toi Cassiopée? Que fais-tu de tes non-dits?

« Perdre notre temps? Mais... je ne le perds pas mon temps, je le vis ». Comment aurait-il pu comprendre?
«Oublier...» Elle ne pouvait pas « oublier ». Des siècles de combat s'étaient éteints un matin d'hiver, au seuil -d'une porte franchie sans un regard- de contrées désolées d'une arène jonchée de cadavres d'espoirs. Déchus, ils s'étaient éparpillés un peu partout en une triste complainte. Elle s'était laissée charcutée à cœur ouvert sans anesthésie, parce que c'était son choix, parce que c'était le prix à payer quand on espérait gagner la guerre contre la mort d'une âme.
Elle avait merdé mais ne voulait pas oublier. Et il avait raison : « ils n'apprendront jamais tous les deux. »
« Vous imaginez...mal. Si mal que j'en ai mal ».
La révoltée de l'Inespérance, genou à terre, entendit la pointe d'ironie.
« Pas moi, non. Je n'ai pas envie que ça s'arrête. » Quelle importance, « elle » ? Aucune. Un non-sujet.
Elle ne se rendait même pas compte de ses hésitations, trop occupée qu'elle était à ne pas s'effondrer.

Tu as échoué ma fille. Fous lui la paix. Fous lui la paix!

-Le syndrome du sauveur...murmura-t-elle.
Son cœur se serra. Ils n'y parviendraient pas en effet. Il l'avait toujours su, Lui, depuis le début, charitable à la prévenir. Bille en tête, elle ne l'avait pas écouté, présumant de ses forces et de ses limites.
« Moi, j'appelle ça l'agapé. Cette chose universelle que je ne peux pas garder pour moi. Je n'y peux rien. Je n'y peux vraiment rien. C'est vrai que c'est absurde,  j'en suis consciente » D'une pirouette, si elle en avait eu le courage, elle aurait rétorqué qu'elle s'en foutait, qu'elle aimait l'absurde et le ridicule, histoire de lui clouer le bec.
« Je ne suis plus rien, absolument personne » se répétait-il. Personne s'approchait. Et personne jusqu'à présent ne s'était aventuré aussi près.
« Non, je n'ai rien réussi. Vous vous trompez encore ». Mais elle garderait ses pensées clandestines désormais, à quoi bon ?
-Ah oui ? Vous comprenez le français ?
Elle souffla ...abasourdie. Les souvenirs affluèrent et elle s'amusa de ce qu'il avait pu comprendre alors.
« Vous n'avez à me remercier de rien ». Le regard englouti par les flots d'azur de ses yeux, elle se noyait.
En arrière plan, fugace, la sensation d'une pause.
La rivière des mots coulait, se déversait sur les aspérités d'un homme victorieux et résistant. Oui, elle parlait, parlait pour ne pas s'écrouler, s'accrochant désespérément aux parois d'un langage de diversion.
Mais la pulsation des poussières de larmes se mit à méloper le chant d'une tristesse inconsolable et si particulière. Il regardait ailleurs, elle mit toute sa fierté à se maîtriser pour qu'aucune des notes ne s'ébruitent. Qu'il ne s'aperçoive de rien. « Ne sois pas vulnérable ma vieille ». Elle allait y parvenir, forcément.

Mais tout à coup, le tutoiement l'atteignit en plein vol. La surprise de l'impact lui ferma les paupières, une seconde.
« Pour qui... ? » « Pour moi ! » hurla-t-elle, mutique.

Dis le, tout simplement. Qu'est-ce qui t'en empêche ? De quoi as-tu peur ? Bosse pour toi pour une fois !

Du plus loin qu'elle se souvenait, du plus infime de ses souvenirs, aucune de ses fragilités n'avaient été exhumées à ce point-là. Même son père n'avait jamais su.
Qu'était-ce donc cette chose qui réussissait là où même la grande Faucheuse avait échoué ?

Sans presque le savoir
Sans le vouloir
Sans le prévoir
Il brisait ses remparts

L'orage s'éloignait, laissant la place à une autre sorte de tempête intérieure. Le tumulte d'une nudité bien plus difficile à dévoiler que celle des vêtements ôtés : celle du cœur. Chavirée par la douceur sans fond d'un Alastar surprenant, elle était incapable de lutter contre sa propre révélation. Il l'effeuillait malgré elle, sans filtre, brut d'intelligence et de subtilité. Par elle ne savait quel tour de passe-passe, il découvrait ses failles.
C'en était trop.
Tout son corps se mit à trembler.
Elle eut un mouvement de défense, de protection, de refus. Non, il ne devait pas être témoin de ça, il n'avait pas le droit de l'atteindre aussi profondément. C'était son rôle à elle d'accueillir les peines, de les comprendre, de les sublimer. C'était elle qui insufflait de la force. C'était elle qui consolait. Pas l'inverse, oh non, au secours, pas l'inverse. Pas Lui.

Elle ne savait pas vivre cela.


Les mains en avant, elle repoussa pauvrement un pouvoir insaisissable, reculant de quelques pas. Le visage défait, ses prunelles trempées enlacèrent les siennes, mêlées dans une même couleur d'océan, une même acuité incandescente.

L'osmose des anges.

Les ailes déployées, le vent l'aspira. Les étincelles d'argent se laissèrent cueillir entre ses doigts.
Elle vola toute la nuit, inlassable. Au bord de Lui, elle se posa sans bruit, puis ouvrit ses paumes. Les yeux mi-clos, le sourire angélique, elle souffla avec délicatesse. Les étoiles effleurèrent alors l'air doux qui chuchotait et s'en furent se déposer sur son cœur.

Ne rêve plus ta vie Cassiopée.

"Vous ne pouvez pas comprendre" tambourina contre ses dents serrées, réprimant les sanglots secs qui la submergeaient. Elle dodelina de la tête à droite, à gauche. Non ! Non ! Non !

Tu en as tant manqué de cette tendresse couchée dans le cercueil avec ta mère.

Le somptueux déluge d'une immense intensité la démasquait.
L'insupportable instant ne dura que quelques secondes.
Une éternité.
Ils étaient là les rayons de la Tristesse, dissimulés sur la face cachée.
Des millénaires de rêves injectés en anesthésie.

Tu t'y es perdue. Et au fond, ô l'ironie, vos cosmos se ressemblent et s'assemblent.

S'arracher à ce piège.
Aussi intarissable qu'elle pouvait être, elle allait s'échapper sans un mot. Juste le bruit d'un clap de fin estampillé d'une belle lâcheté.
De nouveau, il la remerciait. « Par pitié, à votre tour d'arrêter ça.».  Elle se ferma brutalement. Avait perdu espoir pour lui. N'y croyait plus. Ne se battrait plus pour lui.
S'en retournerait à sa solitude: « Vous m'apprendrez ? A voler? »

A la Fin, Cassiopée l'abandonnait.
La mort dans l'âme, en-Fin, elle l'abandonnait.
Enfin.


Mais voilà qu'il ouvrit un autre chemin: « ...ça ne doit pas se finir ainsi.»

Le coup de grâce.

Son dos heurta le chêne. Le choc stoppa net son élan de fuite. Alors, trop ébranlée, elle se tourna un peu et appuya son visage contre l'écorce. Bouleversée, agrippée à cette foutue veste qu'il lui avait refilée une seconde fois, elle s'emmitoufla tant bien que mal. Ridicule garde-fou. Les mains jointes sur ses lèvres crispées, elle comprimait comme elle pouvait les torrents de larmes qui la dévastaient.
Elle avait rêvé qu'il craque pour le sauver. C'était elle qui craquait.

-...Maman?...Maman...Tu m'as abandonnée.

Jóhann Jóhannsson-Flight From The City
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Alastar Black
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Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ Empty
MessageSujet: Re: Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆   Chap.3 - Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Entends la douce Nuit qui marche. C. Baudelaire ☆☆ Cassiopée ☆☆ EmptySam 19 Oct 2019, 17:40

Michael Ortega - “Last Goodbye"

L'instant fut bref, mais saisissant. Un regard abimé, une larme, puis un déluge. La compassion face aux douleurs dévoilées au grand jour, face à une plaie béante qui lui était impossible d'ignorer, mais bien plus encore d'effleurer. L'impuissance était puissante. Il prenait conscience. Il avait mal d'elle, et non pour elle. Il était là, si proche de sa française, sans ne plus avoir le droit de ne jamais l'être.

L'instant suffit pour qu'il perde toute esquisse de sens que l'on voulait bien donner à la Vie, au moment présent, Alastar s'endormit, cueillant Cassiopée malgré elle, pour l'emmener aux douceurs malheur des étoiles.

Enfin, vaincu par la furie sempiternel des émotions.
Enfin, lorsque l'orage gronda ses derniers vœux d'absolution.

Il se perdit à rêver d'un rêve, de ceux qui étaient fous, inimaginables.
Celui où elle était elle, seulement elle même, face à lui.
Celui où il savait être un soutien, où il savait la comprendre, l'entendre.

Celui..... où elle lui permettait d'être là et se permettait d'être elle.

☆☽

Dans le rêve de son rêve, il ferait beau. La nuit pleurerait les larmes de ses maux. Et le jour, audacieux belliqueux infatigable, se coucherait enfin pour reposer un peu son fardeau. Il ferait beau, il ferait si beau dans l'ombré des abysses. Il n'y aurait qu'elle et lui, seuls au milieu de l'acre vie. Il ne verrait qu'elle, il n'écouterait qu'elle. Mélancolie funèbre des endormis, il émanerait du feu d'âme Desnuits assoupi un parfum de tristesse radieux enseveli sous une couche de lumière brûlée par sa sur-étincelance. La nuit apaiserait le jour, et plus rien ne serait comme avant. Nul besoin de rejouer le temps. Dans son rêve, il ne serait plus Alastar. Dans son rêve, il n'y aurait plus Cassiopée. L'on verrait, seuls, deux êtres étourdis rejetés par la simplicité du bonheur éphémère, par delà les frontières qui séparent les endormis des rêveurs, au sommet des montagnes de la peine des grands cœurs aimants... de trop, ô oui, il ferait beau. Si beau. Trop beau. Là-bas, ailleurs, au loin, plus loin encore; rêveur et rêveuse, contemplateurs des adieux malheureux, rêveraient à deux.

Cassiopée, dans le noir de ta vie, dans le beau sombre de tes douleurs, dans le pourpre de ton amour infini cisaillé par l'au revoir maternel. Dans l'ébène de ton soleil joyeux. Dans mon rêve, le rêve de mon rêve, tu es simplement toi, et je t'écoute comme tu es. Ne prends pas peur de ta douleur, si seulement tu pouvais m'entendre.... Écoute toi comme je te vois. Cassiopée, tu ne peux plus te cacher. Il fait beau, regarde autour de toi, il fait si beau... Réveille-toi, je t'en prie, entends-moi.

☽☆

Ô malheur. Retour sur Terre. La vérité lui infligeait bien plus de mal qu'il ne voulait bien en accepter. L'incapable qu'il était, ridicule chevalier noir en mission pour le chevalier blanc. Sur ce terrain miné, il n'avait aucune chance. Savait-il encore se battre ? D'innombrables questionnements venaient au galop, et ça l’ insupportait. Comment pouvait-il être aussi mauvais ? Percée à jour, les défenses Desnuits s'élevaient dans un denier combat à mort et prenaient d'assaut le château d'Alastar, qui lui ouvrait grand ses portes. Pris soudain de doutes et de maladresses, dans un combat qu'il ne maitrisait que trop mal, Alastar se tût un long moment, se haï de l'avoir ébranlé par ses mots.

Mais, dans un élan de bonté, l'anglais, pourfendeur des nuées, brandit son épée et son bouclier. La guerre n'était pas terminée, elle ne faisait que commencer. Elle ne pouvait pas déserter maintenant... « S'il te plait, ne fais pas ça... ne te fuis pas. Je suis désolé, je suis tellement désolé, je... » Elle reculait, les larmes ruisselaient. Il s’avançait, tout doucement, à l'orée du Temps. Il s'arrêta de tourner, tout autour d'eux, figé dans la douleur de la clairvoyance. Il ne pouvait pas la laisser faire ça. Troublé comme rarement il l'avait été, l'astrophysicien tendit d'une audace qui le surpris lui même, une main hésitante vers le visage de la jeune femme décomposé par la torpeur d'une douleur mise à nu. Il effleura sa joue, poussé par ce besoin de l'éveiller, de lui prouver qu'elle n'était pas seule...... Mais où iraient-ils ? « Monsieur Black ? Le Docteur vous demande. » Brusquement, Alastar se recula et fit volte face pour observer au loin l'aide soignant au milieu de la cour qui venait de lui hurler ces mots. Le patient se contenta d'acquiescer du menton. Dos à la française, il murmura : « Peut-être que j'ai tort, finalement, peut-être qu'il n'y a pas d'autre issue, après tout, tout est terminé. » D'un pas mal-assuré, il décida de ne plus lui faire face un instant. Peut-être en profiterait-elle pour s'en aller. Cela lui fendrait le cœur, mais si cela était son souhait... Il prenait le risque. Par couardise ou par ce besoin de feindre la contenance qui lui était propre. « C'est bien ce que vous aimeriez entendre, n'est-ce pas ? Ce serait beaucoup plus simple pour nous deux. Pourtant je n'y crois pas une seule seconde et je refuse de l'imaginer. Comment est-ce que vous suggérez que l'on procède, dans ce cas ? » Le ton devint plus sûr et plus dur. Le professeur Black ne lui laissait pas la chance de répondre. « J'ai mon idée, mais je ne sais pas si elle vous plaira. Cassiopée, faisons semblant... de se dire adieu, que c'est un peu triste mais inéluctable et que l'on ne se reverra que potentiellement à la fin, tout là-haut au beau milieu des nuées, si l'on considère que l'Enfer veuille bien se lasser de moi. Faisons semblant qu'il n'y a plus d'espoir, qu'il n'y en a d'ailleurs jamais eu et que, tous les deux, nous mettons simplement un terme à un jeu. Faire semblant, c'est facile, ça nous permettrait d'éviter bon nombre de problèmes. » Enfin, il se retourna vivement pour lui faire face de nouveau. Assez loin d'elle, jamais trop. « Vous voulez mon avis ? Mon idée est horriblement mauvaise... Les problèmes, je passe mon temps à les résoudre, et vous n'êtes de toute manière pas très douée pour jouer, ni faire semblant... »

Son regard d'azur s'adoucit encore infiniment tandis qu'il se rapprochait, une toute dernière fois. Il entreprit avec une attention particulière de repositionner sa veste sur les épaules de la demoiselle. Lentement, la main toujours légèrement accrochée au veston pour le maintenir fermé, il releva le menton. Moment solennel, puisqu'il était demander en Fin. Son ton profond se voulut sincère et apaisant. Mais comment prétendre à cela quand il ne pouvait en réalité offrir aucun miracle ? « Mademoiselle Desnuits, ce fut une chance pour moi de croiser votre éclat dans ma nuit. Si ce doit vraiment être notre dernier au revoir, alors qu'il en soit ainsi. Sachez que votre mère vous a nommé après la plus puissante et la plus éblouissante de toutes les constellations qu'il m'a été donné d'admirer et d'étudier. Ne la laissez jamais s'éteindre, par pitié. » Il relâcha enfin sa veste avec douceur et s'éloigna d'un pas d'une déférence qui lui conférait une allure royale, inatteignable. « Au revoir, promettez moi de prendre soin de vous...... Et d'Edgar. » Un haussement de sourcil malicieux. C'était plutôt au jeune chat de prendre soin de la jeune femme, mais c'était là un énième secret qu'il garderait encore pour lui.

Rattrapé par le Temps, cet antagoniste de toute une vie. De nouveau, il entendit la voix stridente de l'aide soignant réclamer sa présence. Alastar soupira un grand coup.

Une dernière précision, se rassurer par ses mots, lui assurer une certitude ?

« Je ne pars pas vraiment, vous ne me quittez pas complètement. Il n'y a là aucun abandon, aucune fin tragique, juste un dernier sourire avant le baume des étoiles. » L'orage chassait ses malheurs. Il était temps. Bientôt, les nuées s'apaiseraient pour laisser libre le ciel s'émouvoir. Et toute une galaxie médaillée d'étoiles par centaine de millier naitrait à la volée.

La volée des rêves. Le regard ciel azur se perdit tout là-haut alors qu'il confessait une dernière volonté inassouvie. « J'aurai tant aimé vous apprendre des merveilles à leur sujet, vous auriez aimé, je crois... Peut-être une nuit. »

Les yeux dans les yeux, il rêvait à ce qu'elle ne le quitte jamais. Mais comment avouer une telle folie ?
Alors, simplement, en s'en allant, il lui sourit.
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