Je me concentre sur ma tâche. C'est très important maman elle a dit, je ne dois pas arrêter sinon je vais tout gâcher. Je fixe la casserole pendant que je touille ce qui va devenir une béchamel. Langue sortie afin de me concentrer au maximum, je continue ma tâche.
, me dit maman en revenant dans la cuisine.
Elle passe une main dans mes cheveux et voilà que je ris doucement.
Du haut de mes cinq ans, je sais déjà ce que je veux et je continue alors que je l'entends rire.
Je souris grandement fière. J'aime quand maman me laisse faire la cuisine. J'aimerais bien que cela plaise à papa aussi, parce que j'aimerais beaucoup cuisiner beaucoup plus. Seulement je le garde pour moi, papa m'a dit une fois que c'était une lubie qui me passerait vite. Alors je ne dis rien et cuisine quand maman me laisse faire avec elle.
Cela jette un froid pendant le repas. Je viens d'avoir seize ans et je compte partir dans une école spécialisé dans la cuisine. Papa vient de me demander ce que je voulais faire l'année prochaine tout en étant certain que j'irais à Cambridge. Seulement ce n'est pas le cas. Je veux faire de la cuisine et je vois bien que cela ne lui plaît pas du tout. Comment ? Et bien il est en train de devenir tout rouge et je le vois serrer le poing.
Je sursaute alors qu'il tape du poing sur la table.
Je secoue la tête et me lève de table sans plus de cérémonie.
Sans dire un mot de plus je tourne le dos et quitte la pièce.
- Tu es complètement fou ! - Non... Je suis amoureux...Je regarde mon petit ami droit dans les yeux alors que sa main caresse tendrement ma joue. Cela fait près de trois ans que nous sommes ensemble et je sais que c'est lui le bon. Je l'ai présenté à mes parents il y a de cela un an. Oui il aura fallu deux ans avant de lui présenter la famille McGregor. Il faut dire que j'avais tellement peur de leur réaction. Alors que nous roulons littéralement sur l'or, James est un fils de militaire et de femme de ménage. Nous formons un bien étrange mélange seulement lorsque nos regards se sont croisés cette fois-là dans le métro, ce fut tout simplement le coup de foudre. On pense que cela peut jamais arriver dans ce genre d'endroit, et pourtant il n'a pas hésité à traverser la rame pour me parler. Papa ne l'a jamais aimé, je l'ai tout de suite vu dans son regard. Bien sûr qu'il a été polie, du moins le plus polie qu'il puisse faire. Cependant mon petit ami est quelqu'un de courageux, tellement qu'il est en train de me demander une pure folie.
- Je veux que tu sois ma femme Ellana... Je veux pouvoir hurler au monde que tu es mienne, pouvoir dire au gars de l'armée que j'ai la plus belle femme du monde qui m'attend, te revenir et pouvoir te choyer comme un mari le fait. Je ris alors qu'il m'embrasse le bout du nez. Je sais qu'il a fini sa formation de militaire, je sais qu'il va partir en mission le mois prochain, seulement je n'aurais jamais pensé qu'il me demanderait ma main.
- James... Je ne peux pas...- Pourquoi ? A cause de ton père ? Ellana... Je t'aime et je sais que tu m'aimes aussi... Alors je te le demande, le plus stressé au monde mais aussi le plus sincèrement... Veux-tu m'épouser ?Je me mordille la lèvre inférieure avant de sourire grandement.
- Oui !Cela fait quatre ans que nous sommes mariés, quatre ans que nous filons tout simplement le parfait amour. Nous avons acheté une petite maison à l'extérieur de la ville et nous n'avons pas besoin de plus. J'ai même la chance d'être le chef d'un grand restaurant en Angleterre. James est toujours militaire mais il va quitter l'armée d'ici la fin de l'année. Je sais que je suis la femme la plus chanceuse du monde. Mon homme ne cesse de partir en mission et il m'est toujours revenu. Je n'oublierais jamais ce qu'il m'a dit alors que j'étais effrayée de le laisser partir la première fois.
Je veux juste que tu gardes un truc en tête. T’es … Importante pour moi. Je pense à toi en permanence et là-bas, où que j’aille, ça sera pareil. Je te promets que je ferais tout pour rentrer. Tu peux croire à ça … On n'a pas toujours le choix donc je te promets pas que je rentrerais. Mais je te jure que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour revenir. A chaque fois. J'ai déjà hâte de pouvoir l'avoir juste pour moi, tous le temps. Et puis on parle d'avoir un enfant ensemble. Je me sens enfin prête à avoir un petit bébé, son bébé.
12h48 Je suis en train de préparer mon futur plat, tentant de combiner le salé sucré. Ce genre de tendance fait fureur ces temps-ci et j'aimerais beaucoup ajouter un nouveau plat à ma carte. Je suis en train de tester le miel, voir sa consistance (même si je l'ai choisi chez le meilleur et ne doute pas de son incroyable goût) quand je me retrouve dérangé.
Toc toc toc... AH NON PAS MAINTENANT !- DEUX MINUTES, j'hurle alors que je ferme le pot.
Je me nettoie rapidement les mains avant de courir vers la porte. Je suis juste en débardeur et short, il faut dire qu'il fait vraiment chaud et que les beaux jours arrivent, mes pieds nus caressant le sol froid, mais ce n'est pas très dérangeant.
- J'arrive, j'arrive...J'ouvre et me souffle se bloque lorsque je vois deux militaires devant ma porte. Dans les films, quand on connaît un militaire, qu'il y en a devant notre porte et qu'il n'en fait pas partie, c'est mauvais signe.
- Bonjour...Je sais déjà au fond de moi que je refoule ce qui va se passer. Je ne veux pas y croire. Après tout, ils viennent peut-être simplement pour un truc de routine, pour ce que j'en sais.
Les deux hommes me fixent et leurs têtes se baissent alors qu'ils retirent leurs casquettes.
Non...
- Bonjour Madame Fraser ?- Oui c'est moi...Non... NON... S'en m'en rendre, les larmes commencent à embuer ma vue, si bien que les hommes commencent à devenir flous. L'un d'eux me tend une petite lettre que j'attrape.
- Toutes nos condoléances...12h52Ma bouche s'ouvre en grand, laissant un cri silencieux s'échapper. Les larmes coulent toutes seules alors que je tends ma main tremblante pour attraper la lettre.
Je ne la regarde même pas, je les fixe eux.
- Vos condo... Vous vous moquez de moi hein... Vous mentez... VOUS MENTEZ...Ma respiration se fait plus rapide alors que les larmes redoublent d’intensités.
- Il est... il devait quitter... l'armée... Il ne... Il ne peut pas... IL NE PEUT PAS !!!Les hommes me regardent, impuissants et moi je sens tout mon monde s'écrouler.
- C'est votre faute... VOUS L'AVEZ TUÉ...Bon sang... Je l'ai dit... Tué... Tué qui veut donc dire qu'il y a une notion de mort...
Mort...
Il est mort...
Plus jamais je n'entendrais sa voix, ne verrais ses yeux, ne sentirait son souffle. Je ne l'embrasserai plus, il ne me rassurera plus... Il est parti... Il ne me reviendra pas...
- Nous sommes désolés, murmure finalement l'un des hommes avant de s'incliner.
L'autre fait de même, ils font demi-tour et disparaissent dans l'escalier. Moi je reste plantée là, la porte grande ouverte.
12h57Mes joues sont d'eau, une eau troublée par les palpitations de ma respiration. Mon corps tremble au même rythme que ma plainte et d'un seul coup je claque la porte.
- NON... NOOOON...Ma voix est un hurlement affreux que je ne maîtrise nullement. Je marche d'un pas décidé vers le salon et balance tout sur mon passage. Le vase avec des fleurs tombe en mille morceaux par terre. Je marche dessus mais la douleur et bien moindre comparée à celle qui est en train de laminer mon cœur. Je fais tomber les chaises par terre dans un mouvement brusque. Je prends le miroir sur le mur, étire mes bras le plus haut possible et enfin l'objet vient se fracasser avec force par terre. Mais à quoi bon faire tout ça. Cela ne soulage en rien le mal qui me ronge à présent.
13h03Dos contre le mur, je me laisse finalement glisser sur le sol. Je ne cesse de pleurer, mais surtout, d'hurler. J'hurle ma haine envers cette vie qui semble vouloir que je sois malheureuse, j'hurle le destin d'avoir tué un homme aussi bon que James.
J'hurle à Dieu de me le rendre...
Rendez-le moi... Rien qu'une minute que je puisse lui dire encore une fois que je l'aime... Et qu'il puisse me le dire en retour... Quand je repense à mon cœur se serrant à chaque fois qu'il prononçait ces trois mots. Il ne les a pas tant prononcé que ça, mais cela me suffisait. Mais il ne me le dira plus jamais... C'est fini...
Il est mort...
Dire qu'il pensait à quitter l'armée pour moi. La chose qu'il aime le plus au monde, son métier qu'il chérissait tellement qu'il voulait partir en mission tout le temps... Il voulait quitter ça pour moi, et par jalousie, l'armée me l'a retiré.
13h08- Qui... Qui va m'aider à me reconstruire si... Si tu n'es pas... Plus là... Qui me protégera de m... Moi-même... James... JAMES TU N'AS PAS LE DROIT... J'hurle attendant une réponse qui ne viendra jamais...
Qui va me sauver maintenant que tu n'es plus, je souffle à peine à la fin.
Car je sens déjà qu'au fond de moi je meurs. Je suis fatiguée... Tellement fatiguée...
21h42Je ne sais combien de temps je suis assise. Ma gorge commence à m'irriter à force d'hurler, les yeux me piquent tellement que je les garde fermés. Les larmes continuent de couler, elles n'ont pas arrêté une seule minute. Je n'y crois pas, je n'y arrive pas... Je vais finir par me réveiller de ce cauchemar...
Ou alors d'un moment à un autre il va revenir en me disant comme un imbécile la "BLAGUE" la plus nulle qui soit.. Mais au moins il me reviendrait. Hors rien ne se passe. Je reste inlassablement seule dans le salon.
Seule...
Pourquoi est-ce un homme tel que James qui doit mourir... Pourquoi un militaire qui fait tout pour sauver des vies doit mourir si jeune alors que des hommes bien pires que lui sont encore en vie... Alors que je suis qu'une pauvre fille pathétique à souhait avec des bouts de verre enfoncé dans les pieds ? C'est toujours les meilleurs qui partent trop vite.
22h19Je finis par me redresser difficilement.
Le silence à prit place. J'ai hurler ma colère, maintenant je reste dans un silence total. Je vais devenir muette comme sa future tombe. Je ne veux voir personne, parler à personne, que les autres me touches ou encore qu'ils tentent de me consoler.
Rien...
Absolument RIEN ne pourra me consoler.
Si... Seul lui pourrait le faire... Mais cela est impossible.
Sen est fini...
Il est mort...
Mort...
Je regarde autour de moi ma nouvelle maison...
Le salon est aussi détruit que mon cœur, le verre aussi brisé que mon âme, les chaises aussi renversées que mon être.
Alors que je m'étais juré de ne jamais quitter mon Angleterre, ma mère a réussi à me convaincre de venir vivre avec eux quelque temps à Los Angeles. J'ai accepté à une seule condition, qu'elle me trouve en avance une petite maison où je vivrais seule. Je refuse de vivre avec papa, je refuse de voir mon père qui ne dira rien, mais dont les yeux hurleront "
je te l'avais bien dit". C'est donc ainsi que j'arrive à Los Angeles, il y fait trop chaud, trop sec, mais au moins je ne serais pas seule pour vivre mon veuvage. Je ne suis que l'ombre de moi-même, après l'enterrement de mon mari j'ai pris l'avion pour venir ici. Je ne sais pas encore comment je vais m'en sortir, comment je vais me redresser, comment je vais pouvoir être heureuse pour les autres quand je suis si malheureuse. Je devais quitter mon pays car j'ai besoin de ma famille, plus que jamais...