Harlan * Building my empire.

L'enfant court dans les couloirs du manoir, il est deux heures du matin. En plein mois de décembre, la température a chuté et malgré les chauffages couteux, il claque des dents. Il a peur. Ses joues sont imbibées de pleurs. Heureusement, le chemin a parcourir n'est pas long. Il veut voir son aîné, il a besoin de lui. Il a fait un cauchemar et se sent incapable de l'affronter. Harlan rêve souvent d'être ridiculisé devant du public. Timide, c'est quelque chose qu'il n'assume pas, même si ses parents lui expliquent constamment que ce sera le rôle de son frère et non le sien. Mais c'est plus fort que lui. Alors comme souvent, il se glisse dans les draps de son grand frère, sans rien dire d'autre, venant poser ses pieds glacés contre le mollet de cet être qu'il adore, ses grands yeux vermeilles le contemplant avec admiration.
A chaque fois, il se dit que plus tard, il sera comme lui, l'accompagnant dans son succès à venir.

La fratie est soudée. Ils sont une tribu de quatre enfants, élevés dans un besoin de perfection. Chez les Sterling, on ne fait pas du à peu près, chez les Sterling, l'opulence et la richesse règnent. Il ne faut pas faire de faux pas, toujours avoir le sourire. Harlan s'y plie de bonne grâce. Il n'est pas un enfant capable de se rebiffer. Il accepte ce qu'on exige, est doué dans cette école luxueuse et privée où les enfants se rendent. A vrai dire, il n'est qu'un enfant avec des rêves de gosse. Il se verrait bien être pilote même si son père n'est pas de ce même avis. Il aimerait que ses enfants puissent vivre auprès de lui, à Washington. L'idée paraît alléchante et Harlan souhaite véritablement être auprès de ses frères et soeurs. Il voue une admiration sans faille à Oliver, Léo est son copain de batailles de polochons et Kristen n'est que douceur incarnée, la petite fille qui l'emmène dans un monde de paillettes quand il le faut. Il se sent entier. Pour rien au monde, il ne souhaite changer cela. Il a dix ans, le sourire heureux, vivant en harmonie dans une bulle sans qu'il puisse comprendre l'écart entre sa vie et celle de la population l'entourant.

Lorsque le lycée français se finit, Harlan se décide à partir de Washington pour ses études. Il lui faut du courage et de la ténacité pour faire plier son père. Pourtant, il s'y accroche. Il veut faire ses études ailleurs. Il a besoin d'air, étouffant dans ce manoir aux portes grinçantes et à la fraîcheur constante. Sa mère apporte la voix nécessaire pour lui permettre de respirer un peu. Harlan est proche d'elle même si le lien affectif n'y est pas vraiment. Entre ses obligations d'épouse de politicien, quatre enfants et une garde robe à renouveler, elle a été là sans être là. Son départ est un coup de massue pour la fratie n'ayant jamais été séparée. Mais l'ado a besoin de s'en aller, de fuir et le départ arrive très vite. Il étudie, à l'université prestigieuse de Chicago, le droit et la finance, découvre la vie étudiante. La fête est constante et les lendemains sont difficiles, son nom le protège un peu. Les professeurs ne disent rien et Harlan exulte dans cette nouvelle vie. Il découvre la popularité malgré lui, bien loin des projecteurs de Washington toujours braqués sur son grand frère. Ici, c'est lui le roi. Il enchaîne les petites amies, parfois en a trois en même temps. Qu'importe les larmes, il est heureux de croquer dans la vie à pleine dents. Pourtant, il s'étonne parfois du succès qu'il rencontre. Parce que bien qu'il participe aux festivités, il n'est pas celui qui organise, on l'invite. Il est souvent calme, serein. Et puis passé quelques verres, il se laisse envahir par les excès.

Quand il la rencontre, il a obtenu sa première année avec difficulté. Il est passé parce qu'il est né Sterling. Ça lui a fait comme un électrochoc, se calmant un peu mais n'en demeurant pas moins sur tous les fronts. Fête. Alcool. Drogue. Débauche. Les filles. Harlan va par monts et merveilles. Il se plonge dans le travail afin que son père ne le lui ordonne pas de revenir à la maison. Il refuse absolument. Il est alors dans une relation avec une autre étudiante de sa promo. Une jolie fille que beaucoup convoitent, il l'apprécie sans forcément rentrer dans l'amour. Harlan a du mal avec ce sentiment. Il aime sa famille mais le reste n'est que secondaire. Pourtant, il fait sa connaissance dans une bibliothèque universitaire. Elle est en première année et sans rien demander, il prend place en face d'elle, dans le seul but d'étudier en silence. Bien sûr, il y a cette table avec ses potes mais elle est trop bruyante, Harlan a besoin de réviser cet interro. Son père lui a fait savoir qu'une place l'attendait en tant que directeur des banques et le fils tient à faire honneur à son père. Pourtant, il a du mal à réviser cet interro, la blonde en face de lui attire trop facilement son regard. Elle a un visage doux, naturel bien loin de ces plastiques de rêve que l'on trouve par ici. Il apprend qu'elle s'appelle Bébé. Il en rit au début, trouvant ridicule la comparaison avec ce navet de Dirty Dancing. Combien de fois sa soeur a voulu lui faire regarder ! Elle ne lui dira jamais son vrai prénom.

Pourtant, déjà en couple, Harlan la voit souvent. Elle est son amie. C'est facile d'être avec elle, de parler de tout et de rien, de se sentir vivant, et loin de tout lien avec un Sterling. Le coeur palpite trop et la volonté se mollit au fil des mois qui s'écoulent. Il ne se sait pas libre et pourtant, il finit par céder, l'embrassant avec passion, avec une tendresse qui lui est inconnue. Elle le chamboule un peu trop, celle qu'il aime bien appeler Clitorine. Il se sent tellement humain, plus Harlan que Sterling. Il se laisse aller à ce chambardement, il lui fait l'amour. Et durant une nuit magique, il croit être quelqu'un d'autre. Cependant, l'histoire finit bien vite par éclater. Parce qu'il joue sur deux tableaux, entre cette histoire officielle et la non officielle. Il n'arrive pas à choisir. Il sait que sa relation actuelle est celle à privilégier, qu'elle est à la hauteur de sa réputation. L'égo prend le dessus. Et finalement, il ne choisit celle pour qui il développe des sentiments. Il n'a pas le loisir de pouvoir s'expliquer. Elle refuse de lui parler et puis du jour au lendemain, elle part sans explications, sans dire où elle va, lui laissant un gout d'abandon sur les bords des lèvres. Il ne reste que les souvenirs des instants passés, de cette nuit magique. ça et les regrets.

Une fois, ses études obtenues, il revient à Washington où son nom lui permet bien d'avoir une place parmi les hauts-gradés de l'empire bancaire que représente les Sterling. Son coeur paraît mort et il revient dans l'ombre de son frère. Celui qui est censé être l'héritier premier. Celui qui décide alors de se rebeller contre les valeurs républicaines de leur famille. Harlan a eu le temps - avant que le conflit n'éclate - de se faire sa place au sein des entreprises. Il étonne tout le monde par son professionnalisme, son impartialité. Même si parfois, il se révèle un peu trop dur, revenant peu sur sa décision. Néanmoins, il faut lui reconnaître qu'il se débrouille et sa place de directeur lui est donné à juste titre. Ne comptant jamais ss heures, Harlan donne le meilleur de lui-même, restant proche de ses frères et soeurs. Aussi, lorsque la guerre éclate au sein de leur famille, il suit son frère, le soutient dans ses démarches. Il sait qu'il a besoin d'Oliver et inversement. Son frère est trop impulsif pour faire sans son cadet. Harlan veille à ce qu'il n'échoue pas dans cet avenir où tous s'entrevoient, émancipés du joug familial