« Catch me if you can ! » + Sirius

« Et une nouvelle touuurnée de champomyyyy ! » je gazouille en empoignant la bouteille avec détermination. Avec des gestes fermes mais terriblement hasardeux, je renverse la moitié de ce que je sers. Inutile de préciser qu’il ne s’agit nullement d’un breuvage sans alcool, mais j’aime mieux l’idée d’assumer mon alcoolémie par un déni profond. Me voici donc à resservir avec passion mes partenaires de travail. Presque toute la troupe est là. Les vedettes de la nouvelle comédie musicale, les danseurs, les chanteurs. Il faut admettre que cela fait un sacré paquet de monde dans le bar, mais ce dernier n’est pas petit non plus. Après une semaine harassante où nous avons donné le meilleur de nous-mêmes, nous nous étions offerts d’aller prendre un pot après les répétitions. Ainsi, nous avons débarqué à plusieurs dans ce lieu chaleureux, vivant, gorgée de musique et de bonne humeur. Je ne compte même plus tous les verres que je me suis enquillée au cours de la soirée. Ce serait presque pêché d’admettre le véritable nombre. Puis on s’en fout ! Moi, je bois à mon bonheur actuel. Je bois à la gloire de ma passion dans laquelle je me jette à corps perdu. Je bois à cette célébrité toute nouvelle qui m’enivre et me motive plus que jamais. Je bois au fait, qu’aujourd’hui, je n’ai pas eu à croiser la tronche de pestiféré de William Haydn, ce vieux rabat-joie qui ne sait que faire la tronche et mimer d’étranges grimaces de dégoûts. Cet artiste que j’adule est un homme qui me débecte profondément. Mais je ne pense guère à lui en ce moment de pure effervescence. Tous les membres de cette troupe sont beaucoup trop adorables. Mieux encore ! Le directeur artistique de cette comédie musicale n’est pas un psychopathe dont l’unique lubie est de maltraiter les gens, de se repaître de leur malheur et de les jeter plus bas que terre. Cela me change considérablement de cet abruti de Goldstein. Pourtant, j’en parle à présent avec plus d’affection que par le passé. Bien qu’il soit un type atroce, il n’avait fait que m’aider à repousser mes limites, à délivrer ce potentiel qu’il cernait au fond de moi. En vérité, il m’avait aidé à grandir. Et si j’en étais là aujourd’hui, c’était uniquement grâce à lui. Alors je le considère comme mon ange un peu cruel. Maintenant que la comédie musicale connait un succès retentissant et qu’il n’est plus question de savoir si je suis « potable », il faut reconnaître qu’il a la louange plus facile. Après, il n’en reste pas moins qu’il a un balai plus long que les chutes de Niagara dans le cul.

« Je veux me baigner ! » je rugis en me redressant d’un bond. Il faut savoir que ce merveilleux bar dans lequel nous sommes longe la splendide plage de Los Angeles. Ainsi, cela ne paraît presque pas absurde quand je m’élance avec mon verre à travers la salle pour rejoindre l’étendue bleutée, nappée d’écume, qui m’ouvre les bras. Certains me suivent, aussi ivres que moi. Nous n’avons pas prévu de maillots, mais à partir d’une certaine heure, tout est permis ! On se fout tous en sous-vêtements et on court dans l’eau, les verres rapidement avalés. On se chamaille, on se jette dans les vagues, on se bagarre, on s’éclabousse à grands renforts d’éclats de rire. « JE VAIS ME FAIRE PIPI DESSUS ! » je crie entre mes gloussements. Presque tous me gueulent d’aller me soulager un peu plus loin dans la mer, mais je refuse obstinément. « Jamais de la vie !! Jamais je ferai ça ! Vous imaginez les petits poissons ?! Puis faire pipi dans l’eau, c’est un coup à tout déglinguer à Atlantica ! C’est comme ça qu’Ariel a fini noire ! » Je m’extirpe donc de l’eau et regagne le bar. Je suis tant obnubilée par ma vessie pleine que je ne pense pas une seule seconde à me rhabiller. Au contraire, je me jette dans la foule compacte sans complexe, n’ayant qu’un objectif en tête : les toilettes. « Poussez-vouuuuus !!! » J’arrive dans les toilettes et bénie le ciel qu’une cabine soit disponible. Je m’y enferme, me délestant dans un cri de suprême bonheur avant d’aller me laver les mains. C’est très très important pour les petits poissons ! En paix avec mon corps, je me mets à chanter les airs de la comédie musicale tant en sautillant pour retrouver mon groupe. C’est à ce moment-là que je me fais un peu bousculer de tous les côtés. Je finis par atterrir sur un mec à la carrure imposante. Je m’excuse bruyamment, m’apprête à repartir mais voilà qu’il me prend à partie. Avec la musique, je ne comprends pas la moitié des trucs qu’il me dit. Si bien que je me mets à hurler. « J’ENTENDS PAS ! » Je me sens si petite face à terrible colosse. Si grand que j’en suis presque à hauteur de… enfin voilà quoi ! Et me voilà impressionnée par l’envergure gigantesque de ce qui ourle son pantalon. Mon dieu… ça doit faire si mal ! Et éprise d’une pulsion stupide, j’en viens à lui attraper son paquet entre les mains en éructant. « CHAT-BITE ! » d’une voix forte avant d’exploser d’un rire tonitruant. J’admets ne pas bien prendre en compte la réaction du type en face de moi. Choqué ? Outré ? Amusé ? Encouragé ? Toujours est-il qu’il m’attrape par le bras et m’attire vers lui. Telle une poupée de chiffon, je suis entraînée par sa poigne, mais c’est sans compter sous un léger mouvement de foule qui se crée pour je ne sais quelle raison. Je suis poussée par une silhouette qui perd l’équilibre. Le colosse perd prise et me voilà à tituber maladroitement vers l’arrière jusqu’à heurter contre le coin d’un canapé. Emportée par l’élan, je me renverse entièrement sur celui-ci. Je sens que je tombe sur quelqu’un et finis les jambes en l’air. Il me faut quelques brèves secondes pour reprendre pleinement mes esprits. Je papillonne des yeux, essaye d’adapter ma vue trouble et quand j’avise la barbe noire qui me surplombe, je m’écrie avec un immense sourire. « Haaaan ! Sirius Black !! »